Seybatou Aw, président directeur général de la compagnie de réassurance AVENI-RE, livre ici le secret de son excellent positionnement en Afrique et décline ses priorités pour des perspectives encore plus prometteuses.
Pourquoi avoir renforcé la gouvernance d’AVENI-RE en créant les postes de directeur général adjoint, de responsable d’audit du risque et de directeur des ressources humaines ?
Seybatou Aw : AVENI-RE a 18 ans d’existence, avec un capital social de 16 milliards de FCFA et une représentation dans 4 pays : la Côte d’Ivoire, où se trouve le siège social, à laquelle s’ajoutent la Tunisie, le Sénégal et le Cameroun. Nous sommes en phase d’augmentation du capital à 22 milliards de FCFA et, pour inciter des investisseurs à nous accompagner, nous devons montrer que la société bénéficie d’une bonne gouvernance. Ainsi, à chaque fois qu’il y aura une augmentation de capital, nous pourrons avoir assez rapidement et facilement des investisseurs pour nous accompagner. Certains partenaires nous réclament le rating, c’est-à-dire la notation financière de la société. Ne serait-ce que pour cela, nous devons mettre en place un mécanisme de bonne gouvernance afin d’obtenir un bonne notation qui rassure les partenaires.
Il faut aussi dire qu’AVENI-RE est le premier réassureur privé de la zone CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurance). En tant que tel, AVENI-RE joue un rôle primordial dans l’économie africaine. AVENI-RE apporte les capacités de ressources permettant aux sociétés de la zone CIMA et hors CIMA de pratiquer leurs activités de manière sereine et sans crainte de grands risques. Mais en renforçant sa gouvernance, la société favorise aussi son propre développement, la rentabilité de son activité, l’accroissement de sa capacité financière et l’amélioration de sa solvabilité aussi bien sur le plan technique que financier. Tous ces facteurs constituent des éléments qui attirent les investisseurs et font en sorte que leur soutien soit facile en vue de récolter des résultats satisfaisants.
Dans cet élan de renforcement de la gouvernance, votre compagnie a-t-elle pris en compte l’aspect assainissement ?
Il est normal que tout cela se fasse ensemble. Si vous renforcez la gouvernance dans le but d’améliorer la capacité financière, la société se doit d’assainir sa situation financière. L’assainissement s’est effectué d’abord à travers le portefeuille de la compagnie, avec le retrait progressif des zones fortement sinistrées et méconnues du réassureur que nous sommes parce que ces zones sont lointaines. En travaillant via les courtiers, nous n’avons pas forcément la visibilité sur les activités de ces zones, qui sont dès lors exposées à beaucoup de risques, notamment les catastrophes naturelles. AVENI-RE a donc décidé de se retirer progressivement de ces zones, en deux temps : d’abord le retrait des portefeuilles, ensuite l’assainissement sur les comptes assez anciens.
« En tant qu’Africains, nous croyons au développement de l’Afrique. »
Dans cette même dynamique, quelles autres innovations stratégiques ont été opérées sur la compagnie AVENI-RE en 2022 ?
Lorsque nous avons commencé la phase d’assainissement, l’objectif était de recentrer l’activité sur le continent africain. En effet, après quelques années d’existence, nous avions essayé de développer le business au Moyen-Orient et un peu en Asie, mais nous nous sommes rendu compte que ces zones étaient fortement sinistrées. Le conseil d’administration a donc finalement décidé de recentrer l’activité au niveau du continent. Notre prochain bureau sera ouvert soit en Afrique de l’Est, soit en Afrique australe. Aujourd’hui, notre zone principale est la zone CIMA, que nous couvrons à pratiquement 60 %. C’est la zone où nous avons la meilleure visibilité et la meilleure rentabilité.
L’assainissement s’est donc traduit par le renforcement de la souscription dans le continent africain. En tant qu’Africains, nous croyons au développement de l’Afrique. Nous pensons également à l’ouverture de bureaux de représentation dans différentes zones, notamment l’Afrique du Nord ainsi que certaines parties de la zone CIMA. Nos trois plus gros marchés se situent en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal. Nous irons en Afrique de l’Est et en Afrique australe, ce qui nous donnera un meilleur positionnement sur le continent africain grâce aux visites de risques. En effet, les effectifs d’AVENI-RE comptent trois ingénieurs qui peuvent diligenter une visite de risques assez rapidement pour le client. Le deuxième avantage est qu’en développant l’ouverture de bureaux de représentation, nous pourrons être beaucoup plus réactifs dans les souscriptions.
Nous constatons qu’il y a une rude concurrence au niveau de la zone CIMA. Comment réagit AVENI-RE face à cette situation ?
Notre slogan, c’est « La réassurance de proximité ». Nous nous rendons compte que lorsque nous sommes présents sur un marché, il est beaucoup plus facile de conquérir à la fois ce marché et tous les pays limitrophes. En ayant par exemple le siège en Côte d’Ivoire, nous avons un bon positionnement dans ce pays par rapport aux autres qui n’y sont pas installés. Comme j’ai pu vous le dire, nous nous démarquons par l’assistance technique à travers les visites de risques de nos trois ingénieurs grâce à qui nous pouvons diligenter rapidement une visite pour le client. Le deuxième atout est la réactivité dans les souscriptions : dès que nous recevons une affaire, comme nous avons assez de souscripteurs, ils l’acceptent tout de suite. Le troisième positionnement fort concerne la diligence vis-à-vis des sinistres : lorsque nous avons des sinistres, nous réagissons très vite pour les régler, ce qui assoit notre crédibilité auprès de nos partenaires. Enfin, le quatrième plus est la formation. Depuis trois ans, nous sommes assidus dans les formations. L’année dernière, nous avons organisé trois formations sur les marchés – le marché burkinabè, le marché nigérien et le marché ivoirien – pour les bouquets de réassurance. Cette année, nous avons déjà organisé un séminaire sur le marché mauritanien, et d’autres formations vont suivre. Donc, la formation est très importante chez AVENI-RE. Avec ces quatre points, nous arrivons à avoir un très bon positionnement dans la zone CIMA, et même dans l’Afrique entière, malgré la forte concurrence.
Quelles sont aujourd’hui vos priorités pour atteindre les objectifs d’AVENI-RE en 2023 ?
Notre premier objectif est le rating, ou la notation financière de la solvabilité de l’entreprise, avec une agence de notation sud-africaine. En effet, nous pénétrons aujourd’hui le marché anglophone et nous souhaitons y avoir un meilleur positionnement que le rating nous permettra en vue d’un meilleur développement. Notre deuxième priorité est d’avoir une représentation dans les marchés de l’Afrique de l’Est. Aujourd’hui, à partir du siège, nous pouvons développer nos activités dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest : le Nigeria, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone et la Gambie. Pour les autres pays d’Afrique australe, une représentation est nécessaire à l’accroissement de nos affaires. Enfin, la troisième priorité est de tout mettre en œuvre pour boucler l’augmentation du capital, qui passe de 16 à 22 milliards de FCFA aux fins de soutenir le développement de la société.
Propos recueillis par François Bécanthy