Marie Sennequier, directrice de l’Agence française de développement (AFD) Gabon, nous parle de la contribution de son agence dans plusieurs secteurs stratégiques : la santé, l’éducation, l’environnement ou encore le Programme de remise à niveau (PRN) du Transgabonais.
L’AFD est, depuis 1948, un partenaire technique et financier majeur pour le Gabon. Quelle est votre contribution au processus d’amélioration des conditions de vie des populations et quels sont les principaux secteurs cibles ?
Marie Sennequier : Premier bailleur bilatéral et partenaire historique du Gabon depuis 1948, l'Agence française de développement (AFD) entretient avec ce pays un lien historique et indéfectible. Portée par son engagement en faveur du climat et du lien social, et tenant compte des souhaits exprimés par les Gabonais, l’action du Groupe AFD au Gabon est diversifiée. Elle vise notamment la préservation de la biodiversité, le développement du capital humain, l’amélioration de l’accès aux soins ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes. On se souviendra que par le passé, le soutien apporté par l’AFD s’est concrétisé notamment lors de la construction puis de l’agrandissement de l’aéroport de Libreville, ainsi que pour l’aménagement du port d’Owendo et de la route Médoumane-Ndjolé. Après ce rappel, je vous propose de concentrer mon propos sur les projets les plus récents.
En matière d’éducation, l’AFD est impliquée depuis 2016 dans l’amélioration de l’accès à l’enseignement pour 18 000 élèves du premier et du second cycles via le Projet d’investissement dans le secteur éducatif gabonais (PISE), qui a permis à ce jour la construction et/ou réhabilitation de 15 établissements de proximité dans le Grand Libreville. Après cette première phase de construction, les travaux de 12 nouveaux établissements scolaires ont été lancés depuis la rentrée dans Libreville et Port-Gentil, les capitales politique et économique du pays. Côté santé, le Projet d’appui au secteur santé (PASS 1 et 2) a soutenu la réhabilitation de 12 structures de santé dans les provinces du Woleu-Ntem, l'Ogoouè-Ivindo, la Ngouniè et le Haut-Ogoouè ayant les indicateurs de santé les plus faibles. Enfin, pour ce qui est du transport ferroviaire, l’AFD accompagne, avec la SFI et Proparco, sa filiale dédiée au financement du secteur privé, la modernisation du Transgabonais, véritable colonne vertébrale de l’économie gabonaise. Cela concerne la réhabilitation de plusieurs gares et l’acquisition d’une nouvelle rame de voyageurs, des réalisations qui profitent directement aux 300 000 passagers prenant le train chaque année. Le volume de fret s’est aussi significativement accru. Beaucoup d’améliorations restent à venir, et nous y travaillons aux côtés du ministère des Transports et de la SETRAG, la société qui exploite ce chemin de fer.
Comment évolue votre convention de partenariat avec l’ONG Ogooué Labs Gabon pour la création de l’incubateur StartX 241, d’un montant de 60 000 euros, et quel bilan en dressez-vous aujourd’hui ?
L’AFD Libreville a signé en novembre 2020 une convention de partenariat avec l’association Ogooué Labs pour la mise en œuvre du Programme StartX 241. Le programme StartX 241 avait pour ambition de soutenir et d'accompagner dix start-up africaines dans leur développement au Gabon, offrant ainsi un cadre stratégique pour que ces entreprises puissent s'implanter et répondre aux besoins locaux. Ogooué Labs s'est notamment chargé d'associer les solutions numériques des dix start-up aux besoins du marché local. Parmi les sélectionnées, trois ont réussi à trouver leur marché et à établir des bases solides au Gabon : Ejara du Cameroun, Intouch du Sénégal, et Moja Ride de Côte d'Ivoire. Ces trois start-up se démarquent par leur capacité d'adaptation et leur offre alignée avec les besoins locaux en matière de services financiers, de technologie et de mobilité.
« Notre action vise notamment la préservation de la biodiversité, le développement du capital humain, et l’amélioration à l'accès aux soins. »
Quel rôle joue l’AFD dans l’élaboration du Plan national climat, sachant que la couverture forestière du Gabon s’étend sur 87 % de son territoire, emmagasinant d’importants stocks de carbone ?
Le Gabon a effectivement un couvert forestier exceptionnel, d’une richesse extraordinaire en biodiversité. Ces forêts emmagasinent en effet d'importants stocks de carbone, contribuant à l'atténuation du changement climatique à l'échelle mondiale. Elles abritent plus de la moitié des populations d’éléphants de forêt du continent. De plus, les mangroves gabonaises jouent un rôle crucial en fournissant un habitat pour la reproduction de nombreuses espèces de poissons, crustacés et mollusques. L’AFD s’est historiquement mobilisée au Gabon pour la préservation de ce patrimoine via un outil spécifique et innovant : un accord de conversion de dettes doté de 60 millions d’euros. Les projets financés ont contribué à l’aménagement forestier, notamment la certification et la filière bois. Ils ont également renforcé la politique de conservation du Gabon en s’impliquant dans la gestion du conflit homme-éléphant et en favorisant la connaissance des ressources naturelles des parcs autour de Libreville. Ce travail se poursuit, avec une recherche d’équilibre entre développement économique, préservation des ressources naturelles et respect des droits des populations. Grâce au soutien financier de l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI), l’AFD apporte son appui technique pour le développement du plan national d’affectation des terres et du système national d’observation des ressources naturelles et des forêts. Ces outils nationaux s’inscrivent dans la volonté d’atténuer la déforestation et d’articuler l’expansion de secteurs économiques clés : agriculture, forêts, mines, pétrole, infrastructures.
La part de marché de la France s’érode face à la Chine dans la plupart des pays francophones, y compris au Gabon, dont la Chine est le premier partenaire. Comment le Soft Power français peut-il résister et se réinventer dans la décennie à venir ?
La France est le premier fournisseur du Gabon, avec une part de marché de 25 %. De ce fait, 92 entreprises françaises sont présentes au Gabon, et assurent environ 14 000 emplois. En tant que partenaire bilatéral au développement, l’AFD constate chaque jour à quel point la coopération entre les deux pays est dense, notamment dans les domaines de l’éducation, l’environnement, la recherche scientifique et la santé.
Pensez-vous atteindre à la fin de cette année les objectifs inscrits sur votre feuille de route ?
Bien sûr que nous allons atteindre nos objectifs. Le Projet d’appui au secteur de la Santé (PASS2) va s’achever au cours des prochaines semaines, avec des structures de santé bénéficiant à un bassin de population de 500 000 Gabonaises et Gabonais. La pose de la première pierre de la deuxième phase du Projet d’investissement dans le secteur de l’Éducation (PISE) a été effectuée en octobre dernier. Par ailleurs, la seconde phase du Programme de remise à niveau (PRN) du Transgabonais est actuellement en discussion avec le gouvernement gabonais, et la signature de cet accord est prévue dans les mois à venir. Cette seconde phase bénéficiera d’un nouveau bailleur, l’Union européenne, qui appuiera les efforts des bailleurs historiques, de l’État et de la SETRAG. Enfin, avec les nouvelles attentes qui se sont exprimées, les relations avec le ministère des Eaux et Forêts seront approfondies.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet