« L’OPRAG renforce la souveraineté nationale sur les ports gabonais »

Martin Boguikouma, directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG) et ex-président de l’Association de gestion des ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre (AGPAOC), nous explique le fonctionnement et le rôle clé de ces institutions.

Martin Boguikouma, directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG

 

Quelles sont les missions de l’Association de gestion des ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre (AGPAOC) et quel était votre rôle en tant que président ?

 

Martin Boguikouma : L’AGPAOC joue un rôle crucial en coordonnant les politiques portuaires des États membres pour renforcer la compétitivité des ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ses missions incluent l’harmonisation des procédures de gestion portuaire, le développement de la coopération entre les ports, la promotion des échanges inter-régionaux ou encore la recherche de financements pour moderniser les infrastructures. En tant que président jusqu’au 21 novembre 2024, je supervisais les comités directeurs restreints et élargis, je veillais à la mise en œuvre des recommandations, je coordonnais les projets de coopération et je facilitais, avec la collaboration du secrétaire général, la mobilisation des cotisations des ports membres. Enfin, en tant que président exécutif de l’APCP, je veille aussi à la bonne coopération avec les entités sœurs comme la Port Management Association of Eastern and Southern Africa (PMAESA).

 

Quel était le propos de votre séance de travail de novembre 2023 avec le secrétaire général de l’AGPAOC ? 

 

Lors de ma rencontre avec le secrétaire général de l’AGPAOC nous avons défini la feuille de route 2024 de l’Association, notamment s’agissant des réunions techniques abritées par le Gabon, celles des comités Finance et Études Économiques (FEE) et Affaires Administratives et Juridiques (AAJ). Nous avons également examiné la tenue internationale de l’Association panafricaine de coopération portuaire/Association internationale des ports et havres (APCP/IAPH) sur le thème « Le chemin vers des ports africains plus résilients et plus intelligents, quelles perspectives ». Par la suite, nous avons travaillé sur l’organisation des 50 ans de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG) et du village portuaire. Ces événements ont tous été couronnés de succès. Par ailleurs, les recommandations issues de la réunion conjointe de l’APCP et de l’IAPH ont jeté les bases du processus de digitalisation des procédures dans toute l’administration, notamment douanière et portuaire.

 

Le 43e Conseil annuel de l’AGPAOC tenu à Lagos sur le thème « Les ports et la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) » a souligné l’urgence des mutations à opérer pour répondre aux défis induits par la ZLECAf. Quelles stratégies comptez-vous adopter ?

 

Pour répondre aux défis de la ZLECAf, les stratégies envisagées dans le domaine de la transformation des matières premières : la création de zones industrielles intégrées à proximité des ports afin de valoriser localement les ressources naturelles. Dans le cadre de l’industrialisation : la promotion des zones économiques spéciales pour attirer des investissements manufacturiers, Enfin, en matière de digitalisation des corridors commerciaux : l’adoption de plates-formes électroniques pour optimiser le transit des marchandises et réduire les coûts logistiques. Ces initiatives visent à renforcer l’intégration régionale et la compétitivité africaine.

 

En juin dernier à Lomé, vous avez pris part à la 1re édition de la Semaine africaine de l’intelligence artificielle (SIA), avec une intervention sur « l’éthique et la gouvernance de l’IA et sa régulation ». Quelles positions avez-vous défendues ?

 

Lors de la SIA, nous avons insisté, sur la nécessité d’élaborer un cadre réglementaire africain conforme aux standards internationaux afin de garantir la transparence des algorithmes et de protéger les droits des utilisateurs. En termes de gouvernance de l’IA, nous plaidons pour la création d’un observatoire africain dans le but d’évaluer les impacts de l’IA sur les secteurs portuaires et logistiques, avec une attention particulière accordée à l’analyse prédictive et à l’optimisation des flux. Ces propositions traduisent la volonté de positionner l’Afrique comme un acteur responsable dans l’économie numérique.

 

« L’OPRAG œuvre à moderniser les infrastructures tout en renforçant la souveraineté nationale sur les ports gabonais. »


Quels étaient les chantiers de l’OPRAG en 2024, et où en êtes-vous dans vos relations commerciales avec l’opérateur Bolloré Logistics ?

 

Les chantiers prioritaires de 2024 étaient la modernisation des ports de Libreville et de Port-Gentil, la digitalisation des opérations portuaires selon les standards IMO (MARPOL, FAL), et enfin la construction d’un terminal à conteneurs à Mayumba. S’agissant des relations commerciales avec Bolloré/CEVA Logistics, les discussions sur les investissements destinés à améliorer la gestion des conteneurs sont avancées. Avec Eramet-Comilog, nous envisageons une collaboration pour optimiser l’exportation de manganèse via des infrastructures modernes.

 

Quelle est la portée de votre visite à Tanger en juillet dernier dans le cadre de la coopération bilatérale Gabon-Maroc ? 

 

Cette visite a permis d'explorer l’apport des technologies AIS/VTS dans l’amélioration de la surveillance maritime notamment via des systèmes d’identification et de gestion du trafic. Elle a également mis en lumière des outils destinés à optimiser les flux logistiques, la facturation et la planification des escales grâce au Port Management System (PMS). La coopération Gabon-Maroc se concentre aussi sur le renforcement des capacités via le transfert d’expertise dans la gestion durable et la sécurité maritime. Ces innovations intensifient la compétitivité des ports gabonais tout en sécurisant les corridors maritimes.

 

Qu’en est-t-il de la modernisation du port môle de Libreville ? En 2023, quels ont été les chiffres du trafic des ports gabonais par rapport à 2022, et quels sont les objectifs de 2024 ?

 

La modernisation du port môle prévoit la construction de nouveaux quais et la mise à niveau des équipements pour accueillir des navires de grande capacité, ainsi que l’adoption de solutions d’énergie durable pour réduire l’empreinte carbone. En 2023, les statistiques en matière de trafic révèlent 1 534 escales long-courriers, 60 268 505 m³ de volume métrique, 14 510 626 tonnes de marchandises en import/export, et enfin 173 279 EVP pour le trafic des conteneurs.

Les objectifs de 2024 sont une augmentation de 5 %, soit 1 611 escales, 63 281 930 m³ de volume métrique, 15 236 157 tonnes de marchandises et 181 943 EVP de conteneurs. Cette croissance est soutenue par une politique expansionniste du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), qui stimule la consommation nationale.

 

Comment l’OPRAG s’inscrit-t-il dans la stratégie de souveraineté économique prônée par le président de la Transition

Brice Clotaire Oligui Nguema ?

 

L’OPRAG s’appuie sur l’ordonnance 41/74/PR/MTPTAC du 30 mars 1974 pour garantir le contrôle étatique sur les concessions portuaires et optimiser la gestion des terres portuaires. Grâce à la loi 22/2011, il encourage les investissements dans des infrastructures modernes et promeut les chaînes logistiques intégrées. Citons aussi la renégociation des concessions pour garantir les retombées financières de l’État, la formation des ressources humaines pour renforcer les compétences locales, ou encore l’adoption de pratiques écologiques pour un développement durable. L’OPRAG œuvre à moderniser les infrastructures tout en renforçant la souveraineté nationale sur les ports gabonais.

 

Andju Ani