« La démarche de MFB mêle investissements industriels, RSE et développement territorial »

Ousmane Mabignath Sall, directeur général des Sucreries du Gabon, évoque la stratégie « gagnant-gagnant » négociée entre les autorités gabonaises et le groupe MFB International, repreneur de l’usine SUCAF. Résultat : non seulement des emplois maintenus, mais aussi beaucoup d’autres créés, et un montant d’investissement très supérieur à celui qui était demandé.

 

MFB International, l’un des principaux groupes industriels de Turquie, a fait en avril 2024 l’acquisition de SUCAF Gabon, devenu Les Sucreries du Gabon. Pouvez-vous nous présenter votre groupe ? 

 

Ousmane Mabignath Sall : Le groupe MFB International, dont l’actionnaire unique est Monsieur Mehmet Faruk Basturk, est un groupe à capitaux turcs actif dans divers secteurs, notamment dans l’alimentation – céréales, biscuiterie, chocolaterie, sucre –, la construction et la fourniture de béton prêt à l’emploi. Le groupe possède des usines dans de nombreux pays, notamment la Turquie, le Kosovo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Congo et, bien évidemment, le Gabon. Au Gabon, le groupe MFB International s’est avant tout distingué avec la reprise de SUCAF en avril 2024 en acquérant 90 % des parts, avec l’engagement d’investir à hauteur de 11 milliards de FCFA et de maintenir les 250 emplois. Á ce jour, l’investissement se chiffre à plus de 20 milliards de FCFA, et les emplois ont quant à eux été considérablement renforcés par le recrutement de plus de 100 Gabonais. S’agissant des investissements, il faut aussi mentionner la création, à Owendo, d’une usine de reconditionnement qui emploie également plus de 100 jeunes Gabonais. La première année a été marquée par une importation massive de sucre quasiment en une seule fois, soit de plus de 14 000 tonnes pour pallier la pénurie constatée sur place lors de la reprise. Toujours au cours de cette première année, le groupe a mis l’accent sur la valorisation des terres cultivables afin d’accroître très rapidement les capacités de production. 

 

Dans une deuxième phase, le groupe MFB International a lancé son activité phare : la production et la commercialisation de farine de blé. Cette filiale se positionne comme numéro un sur le plan national avec des objectifs très importants, dont le principal est le renforcement de la couverture du marché local. Au Gabon, MFB International se positionne comme un acteur stratégique aux plans industriel (renouveau de la sucrerie), social (RSE, maintien des emplois) et économique (diversification, modernisation, soutien des producteurs locaux). Sa démarche illustre une approche intégrée mêlant investissements industriels, responsabilité sociale et développement territorial.

 

Au-delà des frontières du Gabon, le groupe MFB International est également présent dans l’agro-industrie au Sénégal avec une minoterie, une biscuiterie, une gaufrerie, une chocolaterie et une usine de production d’aliments pour bétail. Le groupe y exerce également dans le secteur du BTP avec la plus grande centrale à béton du pays. Enfin, je le disais, le groupe est aussi implanté en Turquie, au Kosovo et au Congo dans la production de farine, mais aussi et surtout en Côte d’Ivoire, où il a construit la plus grande usine de transformation de fèves de cacao. Ce projet innovant et phare lui permettra de se positionner un peu plus en tant que leader sur le plan continental.

 

Quelles sont les raisons du rachat de SUCAF Gabon ? Lors de cette acquisition, plusieurs conditions ont été négociées par les autorités auprès de MFB : quelles sont-elles ?

 

En tant que groupe spécialisé dans la production et la commercialisation de farine de blé, MFB International avait pour intérêt premier de s’installer au Gabon la mise en place d’une industrie de farine. Cependant, étant un industriel aguerri et disposé à relever les challenges, le PDG du groupe, Monsieur Mehmet Faruk Basturk, a accepté la proposition du président de la République Brice Clotaire Oligui Nguema de reprendre cette industrie nationale qui demeure un patrimoine pour le Gabon. Cet accord comprenait de la part du groupe des engagements qui continuent d’être respectés. J’en veux pour preuve qu’à ce jour, il n’est plus question de pénurie de sucre sur l’ensemble du territoire gabonais. En ce qui concerne l’investissement, il est d’ailleurs au-delà des 11 milliards de FCFA évoqués puisqu’il est, comme je le disais, de plus de 20 milliards de FCFA. Il est matérialisé par l’acquisition de nouvelles machines agricoles, une modernisation progressive de l’outil de production, mais également l’installation d’une nouvelle unité de conditionnement de sucre à Owendo. Tous ces éléments font partie d’un plan d’investissement qui a été transmis aux autorités au cours du premier trimestre de cette année.

 

MFB s’est aussi engagé à maintenir les 250 emplois, à soutenir les producteurs locaux, à réserver les fonctions de DG et de DRH à des Gabonais et à garantir à l’État gabonais deux sièges au conseil d’administration. Ces préalables ont-ils été respectés, le différend sur le bonus de bonne séparation a-t-il trouvé une solution et la gouvernance de MFB s’est-elle bien adaptée aux exigences gabonaises ?

 

L’ensemble des emplois trouvés au moment de la reprise ont été maintenus, conformément aux engagements pris par MFB. Il en est de même pour l’attribution des postes de directeur général et directeur des ressources humaines, qui restent occupés par des Gabonais. Pour ce qui est du troisième point, l’État gabonais est bel et bien représenté au conseil d’administration avec ses deux sièges. S’agissant du différend sur le bonus de séparation, il a été complètement réglé. Enfin, la gouvernance de MFB ne souffre d’aucune difficulté d’adaptation aux exigences locales.  

 

« Un plan de développement avec renforcement des capacités vise à faire du Gabon un pays exportateur de sucre. »

 

MFB envisage-t-il de relancer la production, de diversifier les activités agricoles associées et de muscler les capacités pour répondre aux besoins du marché national voire régional ?

 

Dès son arrivée, MFB a tenu à montrer sa détermination à rendre à la sucrerie ses lettres de noblesse. C’est en ce sens qu’à peine trois mois après la reprise, nous avons lancé la campagne de récolte 2024, qui ne devait pas avoir lieu compte tenu du contexte de reprise tardive des activités. La campagne de récolte 2025 a quant à elle démarré au début du mois de juillet. Enfin, il a été remis aux autorités un plan de développement allant justement dans le sens du renforcement des capacités afin de faire du Gabon un pays exportateur de sucre.

 

« L’usine d’Owendo permettra de combler définitivement les besoins en farine et d’arrêter les importations. »

 

En plus de la Turquie, le groupe MFB possède des usines au Sénégal, en Côte d’Ivoire et aux Émirats Arabes Unis. Il est spécialisé dans l’agro-alimentaire, la construction et le béton prêt à l’emploi. Allez-vous investir d’autres secteurs que celui de la sucrerie au Gabon ? 

 

Comme je l’ai dit plus tôt, le groupe est spécialisé dans la production et la commercialisation de farine de blé. Nous avons déjà acquis une nouvelle usine de farine basée à Owendo. La production a démarré depuis le mois de mai dernier sur différentes gammes de farine. Cette usine, la deuxième à l’échelle nationale, permettra de combler définitivement les besoins en farine et d’arrêter les importations.

 

Comment Les Sucreries du Gabon comptent-elles impulser des actions en cohérence avec le projet de société du président « Bâtissons l'Édifice Nouveau », notamment durant les 100 premiers jours de la Ve République ?

 

Dès la reprise de l’activité de l’usine de sucre, l’accent a été mis sur le dynamisme. Cela s’est très vite traduit par un renforcement des effectifs au niveau de l’usine, avec le recrutement de plus de 100 Gabonais en plus des 250 trouvés sur place. Grâce à la mise en place d’une nouvelle unité de conditionnement à Owendo, un grand nombre d’emplois directs orientés vers la jeunesse ont été créés.

 

Propos recueillis par Andju Ani