« Le Gabon occupe la 1re place en matière de lutte contre la corruption en zone CEMAC »

Parmi ses multiples actions, la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCEI) metun accent particulier sur la sensibilisation des jeunes à l’éthique, en particulierdurant leur parcours scolaire.

 

Le 23 novembre 2023, une délégation de votre institution a été reçue par le chef de l’État de la Transition à Libreville. Vous avez profité de cette rencontre pour remettre au président un lot de formulaires de déclaration de biens estampillés « Spécial Transition », conformémentà l’article 39 de la Charte de la Transition. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Nestor Mbou : Je vous remercie de l’opportunité inouïe que vous m’offrez, en ma qualité de président de la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCEI),de présenter à vos lecteurs les missions et les activités de notre institution.En effet, le président de la Transition, président de la République, chef de l’État nous a fait l’honneur de nous recevoir en novembre 2023 au palais de la Présidence de la République.Au cours de cette rencontre, nous avons fait le point de nos missions et de nos activités et effectivement, à cette occasion, nous lui avonsremis un lot de formulaires de déclaration de biens estampillés « Spécial Transition », conformément aux dispositions de l’article 39 nouveau de la Charte de la Transition. Il faut savoir qu’au-delà de l’article susvisé, la loi n°041/2020 du 22 mars 2021 instituant le régime de prévention et de répression de l’enrichissement illicite en République Gabonaise fait obligation à tout dépositaire de l’autorité de l’État, y compris le président de la République, de procéder à sa déclaration de biens.En ce qui concerne les organes de la Transition, sur les 281 dépositaires de l’autorité de l’État, 162 ont formellement effectué leur déclaration de biens, soit 58 %.Nous poursuivons donc la mission de sensibilisation à l’endroit des autorités qui ne se sont pas encore conformées à la loi.

 

« La corruption et l’enrichissement illicite constituent une entrave à la croissance économique et exacerbent les inégalités. »

 

Quand, sur le site Internet de la CNLCEI, vous rappelez aux Gabonais que «la corruption et l’enrichissement illicite ne sont pas seulement un problème d’ordre moral ou éthique. Il s’agit de l’un des plus grands obstacles au développement économique et social de notre pays, et en particulier à l’épanouissement de notre jeunesse», quelle dimension donnez-vous à cette observation ?

 

La corruption et l’enrichissement illicite représentent sans aucun doute les défis les plus pressants qui se posent à la gouvernance et au développement de nos États.Ils constituent une entrave à la croissance économique, occasionnent des distorsions au niveau de la répartition des ressources, exacerbent les inégalités et réduisent les investissements privésau détriment des marchés et des opportunités d’emploi.S’agissant de la jeunesse, elle est le fer de lance d’une nation, donc la cible idéale à sensibiliser sur les méfaits de la corruption. C’est pourquoi éduquer une nouvelle génération dans le respect de l’intégrité, de la démocratie et de la transparence demeure une priorité de la CNLCEI.

 

Pour la période 2024-2025, comment comptez-vous capitaliser les acquis des actions de la CNLCEI sous votre gouvernance et permettre à votre institution de se positionner comme structure de référence et d’appui à l’ensemble des initiatives de lutte contre la criminalité économique, financière et transfrontalière dans votre pays ?

 

Le président de la Transition, président de la République, chef de l’État, faisant de la lutte contre la corruption un axe majeur de son magistère, a, en forme d’exhortation en direction de notre institution, solennellementproclamé, je cite : « La peur doit changer de camp. » Toute chose qui nous invite à fournir des efforts résolus et intenses afin d’atteindre les missions que nous assigne la loi. Á ce titre, la CNLCEI entend intensifier les missions de sensibilisation dans les administrations, les universités, les grandes écoles, les lycées et collèges, mettre en place des comités de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux au sein des administrations publiques, des organismes publics et parapublics ainsi que des collectivités locales pour servir de relais à la CNLCEI et même à l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF), opérationnaliser une coalition nationale de lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux chargée d’assurer le relais des actions de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent à travers tout le territoire gabonais, renforcer la coopération internationale en matière d’investigation financière et de recouvrement des avoirsconformément aux conventions des Nations unies contre la corruption et de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, et enfin consolider le cadre normatif de la CNLCEI en matière de lutte contre la corruption.

 

Quelle est la performance du Gabon au dernier classement 2023 de l’ONG Transparency International par rapport à 2022 ?

 

Selon le classement 2023 de Transparency International rendu public le 30 janvier 2024, la note du Gabon a régressé d’un point par rapport à 2022, passant de 29/100 en 2022 à 28/100 en 2023. Malgré cette légère régression, le Gabon conserve le 136e rang mondial sur les 180 pays notés. Au niveau continental, le Gabon occupe la 32e place.Il convient toutefois de souligner que depuis plus d’une décennie, notre pays occupe la 1re place en matière de lutte contre la corruption en zone CEMAC. 

 

« Nous allons effectuer un audit général des entreprises bénéficiaires de marchés publics ou constituées de capitaux publics. »

 

Sur les 146 pays enregistrés dans le classement de l’indice de corruption de Transparency International, qui mesure le niveau de corruption dans le secteur public tel qu’il est perçu par les hommes d’affaires et les analystes du risque, quelle est la situation gabonaise depuis le changement de régime intervenu il y a déjà un an ?

 

Dès sa prise du pouvoir le 30 août 2023, le président de la Transition, président de la République, chef de l’État, le général de brigade Brice Clotaire OliguiNguema,s’est résolument engagé à éradiquer la corruption et les infractions assimilées dans la gestion des affaires publiques au profit d’une gouvernance responsable qui s’inscrit dans une vision globale ayant pour fil conducteur la restauration d’un climat des affaires sain, transparent et favorable au développement économique et à la redistribution des fruits de la croissance. Il s’agit notamment de l’ouverture d’un audit général des entreprises bénéficiaires des marchés publics ainsi que de celles constituées en partie de capitaux publics.

 

En décembre 2023, la célébration de la Journée internationale de lutte contre la corruption a été essentiellement marquée par des séances de sensibilisation des jeunes, avec en toile de fond la nécessité d’inscrire les questions de corruption dans le programme scolaire. Comment cette proposition a-t-elle été accueillie par le ministère de l’Éducation nationale, et quelle sera la contribution de la CNLCEI dans l’introduction de la cette nouvelle discipline?

 

Le 9 décembre 2023, la CNLCEI a organisé la Journée internationale de lutte contre la corruption sur le thème « Corruption et développement : les vulnérabilités des jeunes face à la corruption ». Prenaient part à ces travaux le ministre de l’Éducation nationale et le ministre de l’Enseignement Supérieur.L’une des recommandations des participants à ces assises était : l’introduction de l’éthique dans les modules de l’enseignement, du primaire au supérieur.Sur le plan pratique, si cette recommandation est retenue par le gouvernement, la CNLCEI est disposée à accompagner les départements ministériels concernés pour la mise en place de ce projet avec l’appui des partenaires au développement. Rappelons que dans le cadre du partenariat qui lie la CNLCEI à l’Organisation des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), certains enseignants de l’Université Omar Bongo ont bénéficié en Autriche, sous la 3e mandature, d’un renforcement de capacité sur les questions de corruption.

 

Pour 2024, quelles sont les priorités inscrites sur la feuille de route de la CNLCEI ?

 

Pour cette nouvelle mandature qui a débuté officiellement le 9 juillet 2024, notre prioritésera principalement la mise en place effective du Réseau des institutions nationales anti-corruption d’Afrique centrale (RINAC), dont le Gabon assure la présidence transitoire depuis la réunion de Libreville en octobre 2015. L’adoption des textes du RINAC a eu lieu lors des assises de Brazzaville tenues du 22 au 24 janvier 2024. Les prochaines assises de Libreville aurontdonc pour point fondamental la désignation et l’installation des dirigeants de cette institution sous-régionale,la finalisation de la plate-forme dédiée aux lanceurs d’alerte et la mise en place du numéro vert « Allo Corruption ».

 

Propos recueillis par Anna de Neuville