Pascal Ogowe Siffon, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, compte s’appuyer sur le success de la première edition de la Caravane touristique pour l’instituer chaque année afin d’inciter un grand nombre de touristes gabonais à découvrir leur proper pays.
Malgré ses atouts et son potentiel, pourquoi le secteur du tourisme ne représente-t-il que 4 % du PIB, et pourquoi les projets peinent-ils à se concrétiser ? Comment comptez-vous changer la donne ?
Pascal Ogowe Siffon : C’est un constat objectif et réel que nous-mêmes avons fait. Lorsque le président de la Transition, le général Oligui Nguema, a pris les rênes de ce pays, il a demandé de tout mettre à plat. Je pense que son objectif est de conduire une transition en revisitant toutes les institutions et en examinant en détail tout le potentiel de notre pays pour le rendre véritablement attractif, y compris dans le secteur du tourisme. Il nous a ainsi demandé, dans notre feuille de route, de procéder à un état de lieu qui nous permette de trouver des solutions pour que le Gabon s’engage dans un véritable développement qui réponde aux attentes de nos populations. Nous avons fait le même constat que vous : malgré son potentiel touristique, le Gabon ne décolle pas. Il ressort de notre analyse que dans le cadre du tourisme, le Gabon a mis l’accent sur la construction de grands hôtels de 5 et 4 étoiles, pensant que ces investissements en réceptifs de haut standing allaient attirer des touristes. Certes, cela a produit un semblant de développement du tourisme d’affaires, puisque notre pays était l’hôte de nombreux séminaires, conférences et colloques, mais n’a pas fait décoller le tourisme de façon globale. Le constat qu’il faut faire aujourd’hui, c’est que ces investissements n’étaient pas la bonne manière de démarrer une véritable politique touristique. Actuellement, la plupart de ces hôtels sont dans un état lamentable, à l’exception d’un ou deux qui résistent. À partir de ces données, nous avons présenté au Conseil des ministres un programme pour que le Gabon puisse rattraper son retard et développer sa filière touristique ouverte sur le monde en promouvant un tourisme raisonnable.
L’ambition portée par le PNDT 2024-2026 est de parvenir à une offre touristique fiable, avec un objectif quantitatif annuel de touristes fixé à 600 000. Cet objectif est-il atteignable ?
Le chiffre de 600 000 touristes par an est atteignable pour un pays desservi par trois compagnies aériennes qui effectuent trois rotations par semaine. Actuellement, nous enregistrons près de 350 000 touristes par an avec une seule compagnie aérienne qui vient pratiquement tous les jours, Air France, et d’autres compagnies qui viennent deux à trois fois par semaine. Cependant, notre analyse confirme qu’il ne s’agit pas véritablement de touristes. Il s’agit plutôt de visiteurs, car parmi ces passagers, vous avez des familles. Or, si nous avons deux ou trois compagnies qui ont une rotation comme celle d’Air France, nous dépassons largement les 600 000 passagers. Autre point : 600 000 touristes pour un pays le positionnent dans la catégorie des petits pays. Un vrai pays touristique digne de ce nom avoisine plusieurs millions de visiteurs. Donc, avec 600 000 touristes, pour une compagnie aérienne qui s’installerait sur le même rythme de rotation qu’Air France, il est possible d’atteindre ce chiffre très largement.
Le président de la Transition a-t-il l’intention de mettre le budget du ministère du Tourisme et de l’Artisanat au même niveau que celui des autres grands départements ?
En effet, en plus de cette volonté politique et de cette ambition d’augmenter le nombre de touristes à plus de 600 000 par an, le président de la Transition a l’intention de placer le budget du tourisme parmi les plus grands budgets ministériels, au même titre que le pétrole. Je pense que cela va se traduire très rapidement dans le programme national.
Pourquoi avoir initié l’opération Caravane touristique, qui s’est déroulée en juillet dernier ? Et quel bilan dressez-vous de cette 1re édition ?
La Caravane touristique a été créée pour donner envie aux Gabonais de découvrir leur propre pays. En effet, c’est une chose d’avoir envie de faire du tourisme, de visiter son pays, et une autre de pratiquer le tourisme intérieur. Cela nécessite un processus, sachant que le Gabonais n’a pas la culture touristique, et qu’il est davantage porté sur une culture du football. Par exemple, si l’on demande à un Gabonais de cotiser 10 000 FCFA par personne parce que le Gabon est en train de se qualifier en demi-finale de la Coupe du monde, tous les Gabonais, même de condition modeste, vont investir. Mais si l’on demande de cotiser 500 FCFA par personne pour développer le tourisme, les Gabonais n’y croiront pas, donc s’abstiendront. Il y a donc un problème de culture. Pour changer l’état d’esprit de nos compatriotes, il était nécessaire de nous investir auprès d’eux en lançant l’initiative de la Caravane touristique, « une aventure humaine, culturelle et patrimoniale exceptionnelle » du pays. Les caravaniers ont sillonné et découvert 24 localités, ainsi que les sites touristiques emblématiques et historiques disséminés dans quatre provinces du pays, notamment le lac bleu de Mouila et le village Tsamba-Magotsi dans la province de la Ngounié, le village autochtone babongo de Mata-Ma-Tsengue à Lebamba, Gamba et la province du Haut-Ogooué, le lac Souba à Lekoni, les chutes de Poubarra et de Lekabi, le mont Boudinga…Lorsque nous avons lancé la Caravane touristique, nous avions espéré que 300 touristes suffiraient pour pousser les Gabonais à pratiquer le tourisme intérieur. Le résultat a été au-delà de nos espérances : en 45 jours, nous avons reçu 3 748 touristes – 1 156 caravaniers et 2 592 visiteurs – qui se sont déplacés pour visiter les sites touristiques de leur propre pays. C’est prometteur et montre que les Gabonais réalisent que le tourisme est une source de développement et de revenus. Par conséquent, nous avons l’ambition de pérenniser cette Caravane touristique chaque année afin d’attirer un plus grand nombre de touristes pendant cette période estivale des mois de juillet et d’août.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet