Henri-Claude Oyima, président de la Fédération des entreprises du Gabon, a œuvré à repositionner le patronat comme acteur clé du débat économique, contribuant activement à l’élaboration de politiques favorables à l’innovation et à l’entrepreneuriat.
Ayant été la tête du patronat gabonais de 2003 à 2013, vous n'aviez jamais émis le vœu d’en reprendre les rênes. Pourquoi ce retour ?
Henri-Claude Oyima : Mon retour à la tête de la FEG s’inscrit dans un contexte économique marqué par des mutations rapides. La nécessité de réinventer notre modèle économique s’est imposée comme une priorité absolue pour faire face aux défis liés à la diversification de l’économie, à la modernisation des infrastructures et à l’amélioration de l’environnement des affaires. Il est vrai qu’après avoir dirigé le patronat de 2003 à 2013, je n’avais pas envisagé de revenir. Mon engagement à diriger cette fédération repose sur la conviction que nous devons moderniser nos pratiques et adopter une approche plus collaborative et inclusive, en assurant une meilleure coordination avec les pouvoirs publics et les investisseurs. Ensemble, nous pouvons bâtir un avenir prospère pour nos entreprises, surmonter ces défis avec détermination et innovation. C’est cette aspiration à transformer notre patronat et à le rendre plus résilient qui m’a incité à reprendre les rênes de cette institution lorsque j’ai été sollicité par mes collègues chefs d’entreprise. Mon rôle est de m’assurer que les entreprises gabonaises soient des acteurs clés de la relance économique du pays, et des partenaires stratégiques dans la mise en œuvre des réformes nécessaires.
Pourquoi l'ex-Confédération patronale gabonaise (CPG) s'est-elle muée en Fédération des entreprises du Gabon (FEG) le 10 octobre 2022 ? Depuis votre arrivée, le milieu des affaires parle de « renaissance » du patronat. Quel est votre bilan de ces presque deux ans d'activité ?
La transformation de la CPG en FEG intervenue en octobre 2022 répondait à une volonté de changement de paradigme consistant à rassembler et à unir les entreprises plutôt que les patrons d'entreprise afin de construire une institution plus dynamique, plus performante, plus forte, plus inclusive et résolument tournée vers l'excellence au service de l'ensemble des entreprises du Gabon. Ce changement rassemble toutes les entreprises sous une même bannière, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité, soit une prise en compte intégrée de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise.
Quelles actions phares avez-vous déployées ?
Depuis mon retour, nous avons œuvré à insuffler à la Fédération une nouvelle dynamique en adaptant nos pratiques aux enjeux contemporains et en renforçant notre capacité à accompagner les entreprises face aux transformations majeures. En près de deux ans, nous avons posé les bases d’une institution plus inclusive et résiliente, parmi lesquelles une nouvelle structure de gouvernance pour conduire avec efficience la feuille de route de la FEG, le renforcement du dialogue social entre le gouvernement et les différents partenaires dans une approche collaborative, la création d’une plate-forme numérique pour simplifier les démarches des entreprises, et enfin le développement des compétences de nos membres adhérents. Notre action auprès des instances nationales et internationales a permis de repositionner la Fédération en tant qu’acteur clé du débat économique, contribuant activement à l’élaboration de politiques favorables à l’innovation et à l’entrepreneuriat.
On sait que la FEG génère 90 % du PIB et que vous êtes l'homme fort du secteur privé, souhaitant redorer l'image du patronat. Quelle solutions préconisez-vous pour certains dossiers comme la dette publique auprès des entreprises ?
Quand on observe la situation de la dette intérieure année après année, on ne peut pas s’en réjouir, car le poids de cette dette freine les capacités du secteur privé à jouer tout son rôle dans la compétitivité économique. C’est la raison pour laquelle notre priorité à la FEG est de trouver des solutions concrètes et durables aux problématiques, notamment celle de la dette publique de l’État. Notre approche privilégie le dialogue direct et permanent avec le gouvernement pour établir des mécanismes de remboursement progressif, tout en tenant compte des contraintes budgétaires du pays. En parallèle, nous proposons des solutions de compensation, comme des mesures fiscales, pour alléger la pression sur les entreprises.
Pourquoi prônez-vous une clause de règlement interne au lieu du tribunal de commerce ?
S’agissant de la gestion des conflits, nous prônons la clause de règlement interne des litiges entre entreprises car elle permet de préserver les relations d’affaires par un dialogue souple et constructif, évitant les tensions prolongées d'une procédure judiciaire. Plus rapide et flexible, elle garantit également la confidentialité des différends, protégeant ainsi les intérêts des parties. C'est pour cela que nous avons mis en place à la FEG un Comité de médiation et d'arbitrage en charge de développer des modes alternatifs de règlement des différends et d’assurer la cohésion des membres en privilégiant la conciliation par le consensus.
« La stabilité politique actuelle et les réformes en cours créent un environnement favorable aux IDE. »
Pour son premier forum économique avec la France, le Gabon est parvenu le 29 mai dernier à mobiliser plus de 739 milliards de FCFA. Pensez-vous que ce type de forum est appelé à se pérenniser et comment définissez-vous les enjeux de cet événement ?
Le Forum économique Gabon-France qui s’est tenu le 29 mai 2024 a effectivement été un moment important. Il représente une plate-forme stratégique pour renforcer les relations économiques entre les deux pays, mais surtout un nouveau type de coopération basée sur le partenariat entre entreprises. Le forum a permis de renforcer les liens économiques entre le Gabon et la France, en facilitant des échanges directs entre les chefs d’entreprise et les décideurs politiques, nécessaires pour des collaborations futures et des investissements mutuels. Pour le Gabon, ce forum est une opportunité de diversifier son économie en attirant des investissements dans des secteurs variés comme l'agroalimentaire, les infrastructures et les technologies de l'information. Pour que ce type de forum se pérennise, il est crucial de maintenir un dialogue continu et de suivre les engagements pris lors des rencontres. La mise en place de comités de suivi et l’organisation régulière de forums similaires peuvent aider à maintenir l’élan et à concrétiser les projets discutés. La pérennisation de ce type d’événement dépendra de la capacité des parties prenantes à transformer les discussions en actions concrètes et à maintenir un engagement mutuel fort.
Quelles sont les chances pour que l'invitation à venir investir au Gabon lancée lors de la clôture du forum aux entreprises françaises par le président de la Transition Brice Clotaire Oligui Nguema se matérialise d'ici à 2026 ?
L’invitation lancée par le président de la République aux entreprises françaises pour investir au Gabon a de bonnes chances de se concrétiser. Plusieurs facteurs soutiennent cette possibilité. La stabilité politique actuelle et les réformes économiques en cours au Gabon créent un environnement favorable aux investissements directs étrangers.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet