Forte d’une réalisation record de 501,66 milliards de FCFA de recettes en 2024, l’administration des Douanes gabonaises n’entend pas pour autant se reposer sur ses lauriers en 2025. Son directeur général Hugues Modeste Odjangou, conscient du rôle de cette régie financière dans la mobilisation des moyens nécessaires au développement du pays, fait le tour des mesures et ambitions qui visent à maintenir l’excellence de la DGDDI.
L’année 2024 a été une année exceptionnelle pour les Douanes gabonaises, avec une réalisation record de près de 500 milliards de FCFA, surpassant largement les prévisions édictées par l’autorité ministérielle. Quelles stratégies avez-vous adoptées pour parvenir à réaliser cette performance ?
Hugues Modeste Odjangou : Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier pour l’intérêt porté à l’administration dont j’ai la charge et pour l’opportunité de présenter le travail accompli par les Douanes gabonaises. L’année 2024 a été marquée par une performance historique de la direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI), avec un recouvrement record de 501,66 milliards de FCFA. Ce résultat dépasse de 63,66 milliards le budget initial de 438 milliards, témoignant d’un effort collectif et d’une stratégie efficace.
Cette réussite est le résultat de plusieurs leviers soigneusement actionnés. D’abord, l’accentuation du recouvrement des droits et taxes liquidés a permis d’atteindre un montant total de 365 milliards de FCFA. Parallèlement, la régularisation d’arriérés a contribué à hauteur de plus de 59 milliards, tandis que des moratoires ciblés liés à l’entrepôt spécial d’hydrocarbures ont généré 56 milliards de recettes. Les droits de sortie du manganèse ont également été régularisés, ajoutant 17 milliards à notre réalisation. L’amélioration du traitement des dossiers contentieux a aussi joué un rôle essentiel, grâce à une implication accrue des commissions de suivi. Le contrôle des manifestes de cargaison a été intensifié, ce qui a permis de réduire les sorties frauduleuses de conteneurs. Le déploiement du système informatique SYDONIA World, particulièrement dans la zone nord, a doublé les recettes de la région d’Oyem, tandis que l’alignement des taux de taxation sur le tarif extérieur commun de la CEMAC a garanti une plus grande cohérence fiscale. Cette performance a également été rendue possible grâce à l’amélioration de la qualité des contrôles, notamment grâce au renforcement des capacités des agents et à la mise à disposition d’outils précieux dans différentes matières douanières. À cela s’ajoutent les réunions périodiques organisées à mon cabinet avec l’ensemble des responsables opérationnels aux fins de maintenir la pression sur les unités opérationnelles et de veiller au respect des objectifs fixés.
En plus de ces efforts internes, des facteurs externes ont favorisé cette performance. La hausse des importations, liée à la reprise de grands projets étatiques, a joué un rôle non négligeable. L’inflation mondiale a eu un impact mécanique sur les bases de taxation, tandis que l’augmentation significative des importations de produits énergétiques a généré des recettes supplémentaires. Enfin, un meilleur civisme fiscal, encouragé par une rigueur accrue de l’administration des Douanes, a consolidé la conformité des opérateurs. Cette rigueur s’explique par le contexte particulier où les nouvelles autorités ont conféré aux Douanes les pleins pouvoirs pour agir en toute liberté selon les textes en vigueur et sans subir de pressions externes, conformément à l’article 3 du code des Douanes CEMAC, lequel dispose que « les lois et règlements douaniers doivent être appliqués sans égard à la qualité des personnes ».
En somme, la performance exceptionnelle de 2024 résulte d’un pilotage stratégique raffermi, d’une plus grande maîtrise des outils de contrôle et de recouvrement, d’un environnement économique favorable, et surtout de l’engagement exemplaire des équipes douanières sur le terrain.
« Les nouvelles autorités ont conféré aux Douanes les pleins pouvoirs pour agir en toute liberté selons les textes en vigueur. »
Lors de la Journée internationale de la Douane 2025 célébrée en différé le samedi 1er février, vous avez, dans votre discours, fait mention du Programme de partenariat privilégié. Pourquoi un tel programme, et quel est son apport ?
La Journée internationale de la Douane, célébrée chaque année depuis le 26 janvier 1981 dans les 186 administrations douanières membres de l’Organisation mondiale des Douanes, a été commémorée en différé au Gabon en raison de contraintes de calendrier, tout en préservant l’importance des activités qui l’entourent. Face à l’augmentation rapide du commerce mondial et aux évolutions de la chaîne logistique internationale, les Douanes se trouvent confrontées à de nouveaux défis. Les opérateurs économiques réclament une meilleure fluidité et une réduction des coûts, tandis que les administrations douanières doivent gérer des volumes de marchandises en constante augmentation tout en maintenant des standards élevés en matière de sécurité, de recettes et de lutte contre la fraude. Pour répondre à ces exigences, la direction générale des Douanes gabonaises a lancé le Programme de partenariat privilégié (PPP) par l’arrêté n° 099.24/MEP du 5 décembre 2024. Ce programme a pour objectif de simplifier et d’accélérer les procédures douanières au bénéfice des importateurs et exportateurs respectueux des lois. Les opérateurs souhaitant bénéficier du PPP doivent répondre à certaines conditions telles que la mise en place d’un système d’archivage facilitant les contrôles, des garanties de sécurité dans leurs locaux et un crédit d’enlèvement suffisant, renouvelable si nécessaire. Le PPP répond directement aux lenteurs souvent critiquées dans le processus de dédouanement, allégeant les contraintes pour les opérateurs de bonne foi tout en renforçant l’efficacité des services douaniers. Grâce au système informatique SYDONIA World, les délais de traitement des déclarations ont été considérablement réduits. Les avantages de l’agrément PPP incluent la dispense de contrôle documentaire et physique lors du dédouanement, la liquidation automatique des déclarations via le système informatique et le passage prioritaire au scanner. En outre, ce programme permet d’optimiser les contrôles douaniers grâce à une approche fondée sur l’évaluation des risques. En classant les opérateurs selon leur niveau de conformité, la Douane peut cibler ses contrôles de manière plus efficace tout en facilitant les échanges pour les entreprises fiables. Ainsi, le PPP représente une solution gagnant-gagnant, offrant une performance logistique accrue pour les opérateurs et une plus grande efficacité pour l’administration douanière.
La direction générale des Douanes gabonaises a accueilli du 14 au 16 mai dernier la 8e réunion du Groupe de travail régional sur le développement informatique de la région Afrique occidentale et centrale (AOC) de l’OMD. Quel était l’intérêt de cet atelier et quelles recommandations en ont découlé ?
C’est avec une grande fierté que le Gabon a accueilli pour la première fois la 8e réunion du Groupe de travail régional sur le développement informatique (GTR-DI) de la Région AOC de l’OMD. Cet atelier régional, organisé à Libreville, s’est inscrit dans la dynamique de modernisation des administrations douanières à travers la consolidation des systèmes d'information (SI). Il avait pour thème : « Une douane qui concrétise ses engagements en matière d'efficacité, de sécurité et de prospérité : quelle contribution des SI ? » L’événement a réuni 13 pays membres de la région AOC, en présentiel et en virtuel, ainsi que plusieurs partenaires techniques : CEDEAO, CNUCED, AFRITAC, etc. L’intérêt majeur de cet atelier résidait dans le partage d’expériences, la réflexion stratégique et la recherche de solutions communes pour mieux intégrer dans la gouvernance douanière les technologies émergentes telles que l’analyse de données, l’intelligence artificielle (IA) ou encore le Cloud. Il s’agissait de promouvoir une Douane plus performante, plus prédictive et mieux armée face aux enjeux de sécurité, de fraude et de compétitivité régionale. Au fil des échanges, plusieurs recommandations fortes ont émergé. D’abord, la nécessité d’élaborer un cadre régional de gouvernance des données. Ensuite, le besoin d’intégrer systématiquement la conduite du changement dans tout projet numérique. Enfin, les participants ont insisté sur l’adoption de l’IA pour l’analyse des risques et la détection des fraudes, ainsi que sur la mise en place de cellules spécialisées dans les administrations.
En somme, cet atelier marque une étape décisive vers la transformation numérique de la Douane dans l’espace AOC, portée par une volonté commune de tirer pleinement parti des innovations technologiques pour une Douane moderne, sûre et au service de la prospérité régionale.
« Les Douanes collaborent avec l’administration des Impôts pour unifier la stratégie Douanes/Impôts dans un cadre cohérent afin d’assurer une meilleure collecte des recettes et de lutter contre la fraude. »
Suite à l’entretien de M. Henri-Claude Oyima, ministre d’État en charge de l’Économie diffusé le 26 mai sur TV5 Monde, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour appuyer ses engagements en matière de souveraineté budgétaire, de transparence des recettes et de lutte contre la fraude ?
Lors de son entretien exclusif sur TV5 Monde, Monsieur Henri-Claude Oyima, ministre d’État chargé de l’Économie, a clairement défini les priorités économiques du gouvernement. La Douane gabonaise, en tant que principal pourvoyeur de recettes hors pétrole, adhère pleinement à ces orientations axées sur la souveraineté budgétaire, la transparence des recettes et la lutte contre la fraude. Pour répondre à ces enjeux, la Douane met en avant un levier stratégique : l’audit interne proactif. Loin d’être une simple approche de contrôle a posteriori, cet audit se veut un partenaire de pilotage et de prévention intervenant en amont pour anticiper les risques, optimiser les processus et renforcer l’éthique administrative.
Trois axes d’action principaux guideront cette transformation. Le premier est l’identification des risques, prioritaire pour détecter rapidement la fraude, la sous-évaluation ou les dysfonctionnements. Le deuxième axe se concentre sur l’optimisation des procédures, avec un audit interne visant à examiner les chaînes de dédouanement, les outils informatiques comme SYDONIA World et les pratiques de travail afin de proposer des améliorations. Le troisième axe concerne la conformité. Au-delà des contrôles, il s’agit de sensibiliser les agents, de promouvoir l’éthique et d’assurer l’application stricte des règles.
Pour concrétiser ces axes, plusieurs actions seront mises en œuvre. D’abord la formation des auditeurs aux normes internationales, à l’analyse de données et à la détection de la fraude. Ensuite l’intégration de technologies avancées comme le Big Data et l’intelligence artificielle pour cibler les zones à risque. De plus, l’audit sera impliqué dès la conception de tout projet stratégique, notamment dans la digitalisation, garantissant l’alignement avec nos objectifs d’efficacité et de conformité. Enfin, une cartographie nationale des risques douaniers sera établie pour orienter nos priorités.
Ainsi, la transformation de la Douane gabonaise se veut globale et réfléchie, avec l’ambition de devenir une administration moderne, intègre et performante. Grâce à une gouvernance proactive fondée sur l’audit interne, chaque franc mobilisé contribuera au développement, à la justice fiscale et au bien-être de la population.
Fort de son parcours remarquable dans le secteur privé, Henri Claude Oyima a affiché une volonté claire de promouvoir la digitalisation des services publics. Quelles sont les perspectives des Douanes gabonaises en matière de digitalisation pour les mois et années à venir ?
Dès sa prise de fonction, Monsieur le ministre d’État a fixé une priorité claire : digitaliser les outils de travail de l’Administration. La direction générale des Douanes gabonaises partage pleinement cette vision, consciente du fait que la transformation numérique est désormais une exigence incontournable dans un environnement économique mondialisé. La digitalisation offre de nombreux bénéfices : efficacité accrue, procédures accélérées, automatisation des tâches, transparence, réduction des coûts et simplification pour les usagers. C’est dans cette optique que la Douane gabonaise a amorcé sa transition numérique dès 2020 avec le déploiement du système SYDONIA World à l’échelle nationale. Ce système constitue le socle de notre modernisation et a déjà permis d'améliorer la collecte des recettes et la qualité du service. Dans le prolongement de cette dynamique, trois scanners à conteneurs de dernière génération ont été acquis avec l’appui de la Banque africaine de développement (BAD) via le projet PADEG. Ils seront bientôt déployés aux ports d’Owendo et de Port-Gentil. Ces équipements permettront un contrôle rapide et non intrusif des marchandises en comparant automatiquement les images scannées aux déclarations douanières. Grâce à l’effet dissuasif et à la détection plus fine des infractions, la lutte contre la fraude et l’augmentation des recettes s’en trouveront impactées.
Par ailleurs, avec l’appui de la CNUCED, de nouveaux modules sont en développement pour optimiser la gestion de la valeur, des contentieux et des régimes de transformation. Des avancées notables sont prévues : tableaux de bord améliorés, calcul automatisé des annuités d’admission temporaire spéciale, paiement électronique, etc. Elles sont accompagnées de formations pour renforcer les compétences internes. Enfin, en lien avec les exigences de la BEAC et la lutte contre le blanchiment, la digitalisation des déclarations d’importation et d’exportation de biens est en projet. L’objectif est de mieux archiver et partager les données avec les partenaires tout en facilitant les démarches des opérateurs. Ces initiatives illustrent l’engagement résolu des Douanes gabonaises en faveur d’une administration moderne, efficace, transparente et tournée vers la performance.
En tant que régie financière, comment les Douanes gabonaises ont-elles participé au projet de société du président de la République « Bâtissons l’Édifice Nouveau » durant les 100 premiers jours de cette Ve République ? »
Dans le cadre du projet de société « Bâtissons l’Édifice Nouveau » de Monsieur le président de la République, chef de l’État, chef du gouvernement, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, les Douanes ont pris une part active à l’axe « gestion fiscale » en qualité de régie financière, en collaboration avec la direction générale des Impôts, participant à la mise en œuvre de plusieurs initiatives clés durant les 100 premiers jours de cette nouvelle Ve République. Ses contributions majeures ont trait à la mobilisation des recettes, à la facilitation du commerce, à l’établissement de partenariats stratégiques, à l’optimisation et au contrôle des exonérations fiscales, ou encore à la suspension de droits et taxes sur les produits essentiels.
Concernant la mobilisation des recettes, les Douanes ont intensifié leurs efforts pour accroître les recettes fiscales, en optimisant les processus de collecte et en facilitant la mise en conformité des contribuables. Cette démarche a permis de générer des ressources financières importantes au cours du premier semestre 2025, soutenant ainsi les projets prioritaires du gouvernement. Les perspectives pour le second semestre s’annoncent tout aussi encourageantes, laissant entrevoir une progression continue dans la mobilisation des recettes. Pour ce qui est de la facilitation du commerce, l’administration des Douanes y est parvenue en modernisant les procédures douanières et en réduisant les délais de traitement des opérations par la mise en place du Programme de partenariat privilégié, ce qui a permis d’encourager les investissements et de dynamiser l’économie locale, en ligne avec les objectifs du projet présidentiel.
En matière de partenariats stratégiques, les Douanes collaborent avec l’administration des Impôts pour unifier la stratégie Douanes/Impôts dans un cadre cohérent afin d’assurer une meilleure collecte des recettes et de lutter contre la fraude, facilitant la mise en œuvre des réformes nécessaires au soutien du projet « Bâtissons l’Édifice Nouveau ». Au chapitre de l’optimisation et du contrôle des exonérations fiscales, nous avons procédé à la suspension immédiate des nouvelles exonérations pour 3 mois ainsi qu’à l’audit complet des régimes dérogatoires pour rétablir la justice fiscale. Enfin, la suspension de droits et taxes sur les produits essentiels a consisté en une exonération temporaire des droits et taxes à l’importation sur les produits alimentaires de première nécessité pendant 6 mois.
Ces actions s’inscrivent dans une démarche globale visant à soutenir les ambitions de Monsieur le président de la République, chef de l’État, chef du gouvernement, et à bâtir un avenir meilleur pour le pays en s’appuyant sur une régie douanière efficace et proactive.
S’agissant de procédures, pourriez-vous expliquer brièvement aux usagers qui nous lisent quelles sont les démarches douanières à suivre pour importer ou exporter des biens vers ou depuis le Gabon, et quelles actions vous envisagez pour les vulgariser auprès du grand public ?
Merci pour cette question qui revient fréquemment, surtout chez les importateurs ou exportateurs occasionnels peu familiers des procédures douanières et qui se retrouvent parfois pris au dépourvu. Lorsqu’un usager souhaite importer ou exporter une marchandise par voie maritime, aérienne ou terrestre, il doit obligatoirement déposer une déclaration auprès de l’administration des Douanes, conformément au code des Douanes de la CEMAC. Cette déclaration constitue un acte juridique qui identifie les marchandises et permet aux services douaniers de vérifier la conformité de l’opération. Pour accomplir cette démarche, les usagers recourent aux services d’un commissionnaire en Douane agréé, plus communément appelé transitaire, à qui ils transmettent tous les documents requis : facture commerciale, documents de transport et autres justificatifs spécifiques selon la nature des marchandises et le type d’opération : BIETC, certificat d’origine, autorisation spéciale d’importation ou d’exportation si nécessaire… Le commissionnaire saisit alors la déclaration dans le système informatique douanier, qui calcule automatiquement les droits et taxes à acquitter. Un inspecteur vérificateur procède ensuite à un contrôle douanier, principalement documentaire, visant à vérifier la cohérence des documents et la conformité des marchandises ainsi qu’à sécuriser les recettes fiscales et à prévenir toute infraction aux textes en vigueur. Si besoin, l’inspecteur peut effectuer une visite physique des marchandises. Si tout est conforme, il établit la liquidation des droits, et l’usager est invité à régler les montants dus auprès du Trésor public. Une fois le paiement effectué, le système génère un bon de sortie qui permet à l’usager de retirer sa marchandise importée ou de l’expédier si elle est exportée. Il faut également prendre en compte les frais connexes tels que l’acconage, la consignation, le magasinage, les coûts de transport et les honoraires du commissionnaire. Voilà en résumé ce qu’est la procédure de dédouanement en République gabonaise, mais plus d’informations sont disponibles sur notre site www.douanes.ga, et nos services techniques restent à disposition pour tout complément. En outre, pour vulgariser nos procédures et mieux faire connaître nos missions au grand public, nous préparons une journée portes ouvertes.
En conclusion, avez-vous un mot à ajouter ?
Économies Africaines, soyez assurés que la Douane gabonaise s’acquittera de ses missions avec honneur et dévouement sous la Ve République. Notre objectif est de contribuer de manière significative au budget national et au développement économique du pays. L’administration des Douanes, que j’ai l’honneur de représenter, vous remercie sincèrement pour le temps que vous lui avez consacré lors de cet entretien.
Propos recueillis par Anna de Neuville