« Nous accompagnons la Transition pour le bien-être des populations »

Les femmes entrepreneures représentent plus de 20 % du tissu économique. Partant de ce constat, Gaëtan J.K. Patrick Egounlety, directeur général de Ecobank Gabon, a diligenté les équipes qualifiées du programme Ellevate pour les écouter, les comprendre et répondre à leurs besoins.

Entretien – Directeur général de Ecobank Gabon

 

Vous avez été désigné directeur général de Ecobank Gabon en janvier 2023. Quelles ont été vos priorités durant cette première année d’exercice ? 

 

Gaëtan J.K. Patrick Egounlety : À mon arrivée à Ecobank Gabon, la filiale avait amorcé des changements stratégiques majeurs tels que la fermeture de plusieurs agences, la migration des transactions vers les canaux digitaux et vers l’Agency Banking, et ces changements quelque peu perturbants avaient entraîné une certaine méfiance sur le marché.Mon premier objectif a donc été de mener diverses actions de communication et de relations publiques pour rassurer les clients, les partenaires et l’État sur notre volonté de rester au Gabon et d’impacter positivement, à la manière Ecobank, le secteur bancaire. Mon deuxième objectif était bien évidement d’accélérer le processus de transformation entamé,car c’est l’atout déterminant de notre différenciation et qu’ilnous confère aujourd’hui plus d’un avantage concurrentiel sur le marché.Il fallait faire comprendre aux clients que le service bancaire n’est pas nécessairement lié aux agences directes. Le principal défi de cette stratégie est de prôner la digitalisation des transactions bancaires tout en assurant un service de proximité aux clients.Nous nous sommes donc appuyés sur le déploiement de l’Agency Banking, qui réduit la distance entre le client et sa banque grâce au réseau relai des partenaires clés appelés Points Xpress. Désormais, un client peut effectuer les transactions bancaires de base sans pour autant se rendre en agence.En même temps, via nos applications digitales gratuites,nous poussons les clients à expérimenter la banque à distance et sans intervention physique. En comblant ces aspects, la banque s’est repositionnée sur le marché en un an, ce dontles performances de l’exercice 2023 témoignent largement.

 

Á propos des performances de 2023, comment ont évolué les chiffres clés de Ecobank Gabon ? 

 

Sans rentrer dans les détails, prenons l’exemple des revenus, c’est-à-dire le chiffre d’affaires des banques : nous avons consolidé nos revenus sur le marché et sommes passés de la 7e position à la 5e sur les 7 banques de la place. C’est déjà un grand pas. Deuxièmement, au niveau du profit après déduction des charges, nous sommes passés à fin 2023 à la 4e place, alors que nous étions 6e en 2022. Encore un grand pas de franchi ! Nous observons par ailleurs deux autres paramètres très importants en matière de performance. Le premier est le retour sur les capitaux propres investis, que l’on appelle en anglais Return on Equity. Aujourd’hui, nous sommes la première banque de la place en Return on Equity. Cela signifie que ce que nous offrons en matière de rentabilité des capitaux aux clients qui nous ont fait confiance dépasse toutes les banques de la place. Le deuxième paramètre est la rentabilité des actifs, ou Return on Assets, où nous sommes aussi passés en première position. Cela signifie qu’avec notre réseau Agency Banking, nous générons beaucoup de revenus et rentabilisons tous nos actifs.

 

Le financement du Plan national de développement de la Transition (PNDT) 2024-2026, qui comprend plus de 300 projets de développement et que porte le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), s’élève à 3 696 milliards de FCFA. Comment mesure-t-on la contribution du secteur privé, et notamment des banques comme Ecobank Gabon ?

 

Je vous rappelle que quand vous voyez « Ecobank Gabon », vous ne regardez pas uniquementla filiale, car nous constituons une force en étant présent dans tous les pays de la zone CEMAC. Donc, si nous voulons accompagner un client, ce n’est pas uniquement Ecobank Gabon qui l’accompagne, mais plutôt le groupe de la zone CEMAC, qui constitue une force. Nous sommes la première banque à avoir cru à la Transition et, à la faveur d’une syndication avec les autres banques, nous avons pu financer le premier de projet de la Transition grâce aux 158 milliards de FCFA que nous avons levés. Aujourd’hui encore, la banque panafricaine que nous sommes continue de lever des capitaux pour l’État du Gabon afin de l’accompagner dans l’exécution du PNDT.

 

« Notre stratégie est de miser sur la digitalisation. »

 

Pour renforcer votre part de marché, allez-vous accélérer votre politique de proximité par des ouvertures d’agences, sachant que vous êtes déjà présent à Port-Gentil, Franceville et Libreville, les trois plus grandes villes du pays ?

 

Notre stratégie est de miser sur la digitalisation. Aujourd’hui, que vous l’acceptiez ou non, le digital viendra à vous. Vous n’avez pas le choix. C’est simple : la commerçante qui a vendu de la marchandise au marché dans la journée souhaite que ses recettes du soir soient sécurisées. Le plus facile pour elle est de se rendre dans une boutique de proximité qui puisse en même temps jouer le rôle de banque où déposer sa recette journalière en toute sérénité, tout en obtenant instantanément un document ou une notification SMS qui prouve que son compte bancaire a été crédité. Pour le cas de Libreville, nous sommes présent dans le plus grand marché de la capitale, le marché de Mont-Bouët, via les Points Xpress que nous avons mis en place avec nos partenaires. Nos clients sont autorisés à y effectuer les opérations de dépôt ou retrait d’argent sur leurs compte Ecobank. C’est de cette façon que nous voulons être proches de nos clients. En réalité, nous sommes même en train de démocratiser la banque. Aujourd’hui, si vous allez au Kenya, vous pourrez observer que la plus grande banque, Equity Bank, possède un peu partout des points de vente qui ne sont aucunement des agences Equity Bank mais des partenariats. En conclusion, la banque de proximité de demain ne sera pas nécessairement représentée par des agences mais plutôt par le digital et l’inclusion financière grâce au Mobile Money. De ce fait, oui, nous allons augmenter nos points de vente à Libreville et aux alentours. 

 

Obtenez-vous des résultats encourageants avec votre programme Ellevate réservé aux femmes entrepreneures ?

 

Selon les données disponibles, les femmes entrepreneures en Afrique sont d’environ 140 millions. Cela signifie qu’une femme adulte sur quatre sur le continent crée ou gère une entreprise, ce qui fait du continent l’un des continents où le nombre de femmes entrepreneures est le plus élevé au monde, mais hélas, nous ne les voyons pas. Il y a une sorte de barrière entre la femme entrepreneure africaine et la banque, les institutions financières. Elles préfèrent se tourner vers les institutions de microfinance, où elles vont payer plus cher un crédit. Or, si vous connaissez l’histoire africaine, vous savez que ce sont les hommes qui détiennent les titres fonciers. Par conséquent, il est difficile aux femmes entrepreneures d’avoir accès au crédit parce qu’elles ne disposent pas de garantie foncière. Les femmes émancipées commencent tout juste à acheter des maisons. 

Pour remédier à ce problème, le premier point est de montrer aux femmes quelle est leur place dans le tissu économique, leur montrer que l’on a besoin d’elles. C’est pourquoi nous avons mis en place des équipes qualifiées pour les écouter, les comprendre et répondre à leurs besoins. Et nous allons communiquer dans ce sens afin d’améliorer leur inclusion financière. Le deuxième point, c’est la garantie. Pour accompagner ces femmes entrepreneures, Ecobank a signé avec les institutions financières internationales des accords bilatéraux de partage de risque. La réglementation demande qu’avant tout financement, nous obtenions 120 % de couverture. Aujourd’hui, grâce au programme Ellevate, nous pouvons financer nos clients Ellevate avec des couvertures de 50 % de garantieseulement, et même parfois 25 % selon le secteur d’activité. C’est cette opportunité que nous avons à partager avec la femme gabonaise. En outre, certaines femmes étant organisées en associations, nous allons sensibiliser ces dernières via un important plan de communication, de Networking, de formation  et de coaching, ce que l’on appelle souvent le Capacity Building, pour leur permettre d’accéder au financement en cas de besoin. Nous les accompagnons et les aidons à tenir leur comptabilité, ayant en quelque sorte un rôle éducateur. Pour le faire, nous sommes en train de signer des partenariats avec Women Alliance du Gabon ainsi qu’avec la Chambre de commerce du Gabon, qui a tenu plusieurs séminaires à l’endroit de la femme entrepreneure. 

 

Quelles seront les priorités inscrites sur votre feuille de route pour la fin de cet exercice et le suivant ? 

 

Actuellement, le Gabon est en plein chantier de routes et d’infrastructures. En tant qu’opérateur économique de la place, notre priorité est d’accompagner les petites et moyennes entreprises qui travaillent sur ces chantiers, ainsi que les grandes entreprises. Nous devons impacter le tissu économique. Notre deuxième priorité est le déploiement de la banque digitale avec nos jeunes clients. Un étudiant doit pouvoir ouvrir son compte, avoir son application mobile et effectuer toutes ses transactions à partir de son smartphone. Sur les réseaux sociaux, certains jeunes ont même un statut de vendeur : il faut leur permettre d’être payé via un QR Code à scanner et de faire livrer la marchandise avec un coursier. En conclusion, nos priorités sont les grandes, petites et moyennes entreprises, le digital et le réseau des femmes entrepreneures. Le digital est notre force et nous allons y arriver grâce à lui. Si nous agissons sur ces trois leviers, Ecobank Gabon aura son impact sur le tissu économique du Gabonais. 

 

Propos recueillis par Serge Henri Malet