« Nous allons tout mettre en œuvre pour mobiliser les ressources nécessaires au financement des priorités de nos compatriotes »

Au-delà des multiples chantiers initiés par la direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT) pour faire de cette institution, sous la houlette de son chef Luther Steeven Abouna Yangui, un contributeur majeur au projet présidentiel, le dirigeant lance un appel solennel à tous les investisseurs désireux de faire fructifier le potentiel du Gabon dans les domaines prioritaires des infrastructures routières, de l’énergie, de l’eau, de l’agriculture, de l’éducation et du tourisme.

 

Nommé à la tête de la direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT) en septembre 2023, vous avez traversé la période charnière de la Transition pilotée par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) jusqu'à l'investiture, le 3 mai 2025, du président de la République, chef de l'État, chef du gouvernement, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema. Avec plus de seize années d'expérience au sein de la DGCPT, dont plusieurs en tant que trésorier central, quel regard portez-vous sur l'évolution de la gouvernance financière et comptable de l'État durant cette période de refondation institutionnelle ?

 

Luther Steeven Abouna Yangui : Avant toute chose, je voudrais vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer à travers les colonnes de votre magazine. Il est vrai que ma nomination, en septembre 2023, s'est inscrite dans un contexte historique exceptionnel, marqué par la prise de pouvoir du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) le 30 août 2023, sous l'impulsion visionnaire de Son Excellence le général Brice Clotaire Oligui Nguema, aujourd'hui président de la République élu avec plus de 94 % des suffrages. 

 

Durant cette période de refondation institutionnelle s'étendant du 30 août 2023 au 3 mai 2025, la DGCPT a entamé une transformation structurelle de la gouvernance financière publique. Nos réalisations majeures incluent entre autres la restauration de la journée comptable et du paiement des bourses aux élèves du secondaire, l'apurement total des rappels de pension pour un montant de 56 milliards de francs CFA, le paiement des rappels de solde calculés depuis 2014 à hauteur de 70 milliards de francs CFA, et enfin le règlement de plus de 2 400 milliards de francs CFA de dette publique, conformément à la feuille de route reçue des plus hautes autorités de la Transition. 

 

La continuité institutionnelle que j'assure aujourd'hui s'articule autour d’un Plan stratégique 2024-2026 qui vise l’édification d’un « Trésor public d'excellence » élaboré en parfaite cohérence avec la vision présidentielle d'une administration publique performante et transparente. Ce plan, structuré autour des quatre axes stratégiques que sont la valorisation du capital humain, l’optimisation de la gestion financière, la modernisation des systèmes d'information et la réforme du cadre institutionnel, constitue l'ossature de notre contribution à l'émergence du « Nouvel Édifice » cher à Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema.

 

« Le Cadre de concertation joue un rôle clé dans la modernisation du financement public au sein de la CEMAC. »

 

Quelle était la portée de la concertation régionale qui a réuni sous l’égide de la DGCPT, du 3 au 6 mars 2025à Libreville, les administrations fiscales de la sous-région et le réseau des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) ? Êtes-vous parvenus à renforcer la collaboration, la transparence et la dynamisation du marché des titres publics dans la sous-région, et quelle stratégie annuelle d’émission de titres publics pour 2025 avez-vous préconisée ?

 

Il est important de rappeler que le Cadre permanent de concertation des Trésors publics de la CEMAC (CPC-TP) a été instauré fin 2021 pour dynamiser le marché des valeurs du Trésor au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Cette initiative vise à renforcer la coordination entre les Trésors publics des États membres, à partager les bonnes pratiques et à harmoniser les interventions sur le marché régional. L’objectif global est de mobiliser efficacement les ressources nécessaires au financement des projets de développement tout en assurant la stabilité macroéconomique de la Zone. Et, conformément au principe de rotation régissant son fonctionnement, j’ai été porté à la présidence de cette organisation pour l’exercice 2025 lors de la 12e session ordinaire tenue l’année dernière à Brazzaville. C’est pourquoi Libreville a accueilli sa première réunion, qui nous a principalement permis d’échanger sur les défis et les opportunités liés au marché des valeurs du Trésor, l’optimisation de l’efficacité des dépenses publiques et la gestion des risques budgétaires en vue de renforcer la stabilité financière et d’améliorer l’efficacité des émissions des titres publics.

 

Les avancées majeures incluent le renforcement de la confiance mutuelle entre les émetteurs souverains et les investisseurs, la dynamisation du marché secondaire et l'optimisation des conditions de financement de l'État. Cette dynamique s'aligne parfaitement sur les orientations du gouvernement en matière de stabilité macroéconomique et d'intégration financière régionale. Pour l’exercice budgétaire 2025, nous prévoyons de lever 977 milliards de francs CFA sur le marché des titres publics, et notre stratégie d'émission 2025 repose sur une approche tripartite. Premièrement, la consolidation des opérations conventionnelles via des émissions hebdomadaires de bons du Trésor assimilables (BTA) et d'obligations assimilables du Trésor (OTA).Deuxièmement, l'innovation financière par la syndication domestique pour mobiliser des ressources substantielles à coûts optimisés. Et troisièmement, la gestion proactive de la dette intérieure par le reprofilage des échéances et la titrisation des créances afin d’apporter plus de liquidité aux banques commerciales. Très honnêtement, je peux affirmer que ce Cadre de concertation joue un rôle clé dans la modernisation du financement public au sein de la CEMAC en favorisant la coopération régionale et le renforcement les liens entre tous les acteurs du marché.

 

« L'excellence opérationnelle recherchée s'articule autour de la trilogie efficacité-transparence-redevabilité, valeurs cardinales de l'action publique. »

 

Au lendemain de votre prise de fonctions, vous avez initié une série de visites d'inspection despostes comptables du grand Libreville et de l’intérieur du pays afin d'évaluer les conditions de travail des agents du Trésor et la qualité des services rendus aux usagers. Quel message avez-vous délivré à vos collaborateurs?

 

Je voudrais tout d’abord vous préciser que la direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT) est constituée d’un vaste réseau animé par 1 834 collaborateurs et qui comprend principalement 9 trésoreries provinciales, 7 recettes-perceptions, 33  perceptions, 70 agences comptables et 14 paieries à l’étranger. Aussi la politique de proximité constitue-t-elle un pilier fondamental de notre stratégie de modernisation, s'inscrivant dans la vision inclusive du développement territorial portée par le président Brice Clotaire Oligui Nguema. Dès ma prise de fonctions, j’ai en effet tenu à aller vers tous mes collaborateurs de l’intérieur du pays mais également des postes consulaires pour non seulement les écouter mais surtout partager avec eux la feuille de route que j’ai reçue des plus hautes autorités. Mes visites dans cinq provinces ont révélé des disparités infrastructurelles significatives, parmi lesquelles la vétusté des bâtiments, des équipements informatiques et du mobilier, la précarité des conditions de travail et l’insuffisance des moyens humains et logistiques.

 

En réponse à ces constats, nous avons déployé un programme de modernisation structuré autour de trois axes : la réhabilitation des bâtiments, le remplacement des équipements et le renforcement des capacités humaines. Ce programme, initié sous l'impulsion des plus hautes autorités durant la Transition, se poursuit avec une intensité accrue sous la Ve République. Et d’ailleurs, sur ce registre, nous avons reçu l’année dernière de la part du président de la République un important don composé de 11 véhicules et 3 camions blindés dédiés au convoyage de fonds, 11 véhicules d’escorte blindés ainsi que, pour la première fois dans l’histoire du Trésor public, 5 bus de 30 places dédiés au transport du personnel.

 

Quant aux leviers organisationnels mobilisés, ils incluent la standardisation des procédures opérationnelles, l'interconnexion des postes à la centrale et l'instauration d'indicateurs de performance uniformes. Cette approche systémique garantit l'équité territoriale dans la prestation de services publics financiers, conformément à l'ambition présidentielle d'un « Nouvel Édifice »qui veut qu’aucune région ne soit laissée pour compte. L'excellence opérationnelle recherchée s'articule autour de la trilogie efficacité-transparence-redevabilité, valeurs cardinales de l'action publique.

 

« Nos opérations stratégiques – rachat anticipé de l'Eurobond 2025 et reprofilage de la dette intérieure – ont préservé la notation souveraine du pays et renforcé la confiance des investisseurs internationaux. »

 

Sous la présidence de Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, le Gabon a significativement réduit le ratio dette/PIB, passant de 71 % en 2023 à 67 % en 2024 en honorant ses engagements auprès des bailleurs de fonds et en évitant tout défaut sur les marchés financiers. Pouvez-vous expliciter, d'un point de vue technique, le rôle structurant joué par la DGCPT dans la gestion active de la dette publique, la mobilisation des ressources et la sécurisation des paiements, tout en assurant la soutenabilité budgétaire et la confiance des partenaires internationaux, conformément aux orientations du chef de l'État ?

 

Il faut être honnête, la situation de la dette publique du Gabon était très préoccupante avant l’arrivée du CTRI. Cette performance remarquable, qui témoigne de la rigueur budgétaire instaurée depuis le 30 août 2023, résulte d'une stratégie de gestion active de la dette orchestrée par la DGCPT en parfaite synergie avec la direction générale de la Dette.

 

Techniquement, notre rôle structurant s'articule autour de trois missions critiques : la mobilisation proactive des ressources par optimisation des recettes fiscales et non fiscales, le provisionnement rigoureux du service de la dette par anticipation des échéances, et enfin la sécurisation des paiements par diversification des instruments financiers. Durant la période de Transition, nous avons facilité le remboursement de 2 485 milliards de francs CFA, restaurant ainsi la crédibilité du Gabon auprès d'institutions de référence telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Banque islamique de développement, l’Agence française de développement et la Banque africaine de développement. Nos opérations stratégiques, notamment le rachat anticipé de l'Eurobond 2025 et les opérations de reprofilage de la dette intérieure, ont préservé la notation souveraine du pays et renforcé la confiance des investisseurs internationaux. Cette gestion prudentielle s'inscrit dans la vision gouvernementale de diversification économique et de résilience budgétaire, objectifs cardinaux pour relever les défis structurels du chômage et du coût de la vie. La soutenabilité budgétaire recherchée constitue un prérequis à la réalisation des ambitions de développement de la Ve République.

 

« La certification ISO de nos processus métiers renforcera le positionnement de la DGCPT comme acteur central de la modernisation de l'action publique. »

 

En tant que régie financière centrale, la DGCPT est appelée à se projeter dans l'avenir avec ambition dans la perspective de la Ve République et en cohérence avec le projet de société « Bâtissons l'Édifice Nouveau » porté par Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema. Quelle est votre vision stratégique pour le Trésor Public de demain, et quelles réformes majeures, innovations technologiques et axes de transformation institutionnelle entendez-vous prioriser pour ériger un « Trésor public d'excellence » au service de la performance publique et de la confiance citoyenne ?

 

Notre vision stratégique pour le Trésor public de demain s'ancre dans l'ambition transformatrice du projet « Bâtissons l'Édifice Nouveau » porté par Son Excellence le président Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette vision se matérialise par notre Plan stratégique 2024-2026, véritable feuille de route vers l'excellence. Les réformes majeures prioritaires s'articulent autour des quatre axes transformateurs que sont la digitalisation intégrale des processus financiers et comptables, l'instauration d'un système de gestion des performances basé sur des indicateurs mesurables, la modernisation du cadre réglementaire pour une agilité opérationnelle accrue, et enfin le renforcement du capital humain par des programmes de formation continue.

L'innovation technologique, autrement dit la digitalisation, constitue le levier principal de cette transformation, avec en prime l’implémentation de solutions de paiement électronique, le déploiement d'outils d'intelligence artificielle pour l'analyse prédictive des flux de trésorerie et le développement de plates-formes numériques pour l'interaction citoyenne. Par ailleurs, nous travaillons à accroître considérablement nos ressources internes afin de limiter l’endettement mais surtout de mobiliser le maximum de ressources au financement du projet de société du président de la République et de lutter contre la corruption. En outre, la transformation institutionnelle vise l'émergence d'un « Trésor public d'excellence » à travers une déconcentration accrue de la fonction de comptable, caractérisé par la proactivité, la redevabilité et l'innovation. Enfin, nous nous engageons aussi résolument sur la voie de la certification ISO de nos processus métiers et sur la mise en place d’un véritable système d’information intégré. Cette ambition renforcera le positionnement de la DGCPT comme acteur central de la modernisation de l'action publique, au service de la performance étatique et de la confiance citoyenne.

 

« Notre stratégie d'inclusion financière vise la bancarisation des populations rurales. »

 

La DGCPT, au cœur du ministère de l'Économie, des Finances, de la Dette et des Participations chargé de la lutte contre la vie chère, est un acteur clé de la mise en œuvre du projet de société du président de la République. Comment votre administration a-t-elle, de façon concrète et innovante, soutenu les priorités présidentielles durant les 100 premiers jours de la Ve République ?

 

Notre contribution au projet de société « Bâtissons l'Édifice Nouveau » durant les 100 premiers jours de la Ve République s'est articulée autour d'un programme d'actions concrètes et mesurables, en parfaite synergie avec les priorités définies par le président de la République, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema. D’abord, en matière d'assainissement des finances publiques, nous avons intensifié la dématérialisation des procédures budgétaires, l'optimisation du recouvrement des recettes publiques et la rationalisation des dépenses par l'implémentation d'outils de contrôle en temps réel, en collaboration étroite avec la direction générale du Contrôle budgétaire. Cette approche technique garantit la transparence et l'efficience recherchées par le chef de l'État. Ensuite, digitalisation des moyens de paiement constitue un axe prioritaire avec le déploiement de solutions de paiement mobile pour les transactions avec l'administration, le développement de plates-formes numériques pour les entreprises et la modernisation des systèmes interbancaires. Ces innovations, initiées durant la Transition, seront accélérées sous la Ve République. En outre, notre stratégie d'inclusion financière vise la bancarisation des populations rurales par des partenariats public-privé innovants, et la facilitation de l'accès au crédit pour les PME par des mécanismes de garantie publique. Et nous allons tout mettre en œuvre, en lien avec nos collègues de la Dette, des Impôts, des Douanes et des Hydrocarbures, pour mobiliser les ressources nécessaires au financement des priorités de nos compatriotes afin d’améliorer leurs conditions de vie. Cette feuille de route opérationnelle, élaborée sous l'autorité du président de la République en sa qualité de chef du gouvernement, mobilise l'expertise technique de la DGCPT au service des ambitions transformatrices du « Nouvel Édifice » gabonais.

Pour terminer, je voudrais lancer un appel solennel à tous les investisseurs afin qu’ils viennent massivement investir dans notre pays, lequel regorge de potentialités dans les domaines prioritaires des infrastructures routières, de l’énergie, de l’eau, de l’agriculture, de l’éducation et du tourisme.

 

Propos recueillis par Andju Ani