Issempedjeno Ngaka, directeur général de Maurel & Prom Gabon, détaille les actions de sa société durant les 100 premiers jours du mandat du chef de l’État, notamment le lancement d’une campagne d'acquisition sismique et la création, dès le mois de juillet, de près de 400 emplois directs et 1 000 emplois indirects.
En votre qualité de directeur général de Maurel & Prom Gabon, vous avez été reçu en audience le 30 janvier 2025 par le chef de l’État. Que faut-il retenir des activités et des projets de votre société pour 2025 ?
Issempedjeno Ngaka : La première chose à dire est qu’il s’agissait d’une visite de courtoisie. Nous avons été très bien accueillis par le chef de l'État, et avons pu discuter de notre plan d'affaires 2025 qui est très ambitieux. Il l’est parce que nous avons en vue des forages de développement pour un montant de 80 millions de dollars. Aussi, nous allons faire de l'acquisition sismique, c’est-à-dire de la recherche pour des développements à l'échéance de 3 à 5 ans afin de développer une nouvelle zone de notre permis. Cela correspond à près de 20 millions d’investissement entre 2025 et 2026. Cette activité de recherche n’a pas été faite au Gabon depuis une dizaine d’année et ceci constitue une preuve de notre engagement sur le long terme avec la République Gabonaise. Enfin, nous avons bien sûr parlé de tous les éléments sociétaux "RSE", qui sont placés très haut dans l'agenda du chef de l'État. Nous avons pu le rassurer sur les emplois directs et indirects qui seront créés par ces investissements, et sur notre engagement à continuer les investissements que nous faisons à Lambaréné, la 7e ville du pays, et dans la zone des Grands Lacs, dans la province Moyen-Ogooué. Enfin, nous avons convenu de nous tenir régulièrement au courant et de nous revoir tous les 3 à 6 mois.
En 2023, Maurel & Prom Gabon a généré un CA de 682 millions de dollars (plus de 300 milliards de FCFA) avec une production de 28 057 de barils équivalent pétrole par jour (bep/j), ce qui représente une augmentation de 10 % par rapport à 2022. La production et le CA de 2024 se sont-ils aussi inscrits à la hausse ?
Les chiffres que vous mentionné ici sont ceux du groupe Maurel & Prom qui a aussi des filiales en Tanzanie, en Angola, au Nigéria, en Colombie et au Venezuela. L’augmentation substantielle observée en 2023 est surtout liée à la reprise des activités de Maurel & Prom au Vénézuela suite à la levée des sanctions américaines. Si l’on se concentre sur Maurel & Prom Gabon, les niveaux relativement hauts des cours du pétrole de ces 3 dernières années nous ont permis de maintenir un niveau d'investissement conséquent avec pour principal objectif de maintenir notre niveau de production et de renouveler nos réserves. Nous avons produit environ 20 000 barils/jour sur le périmètre de Maurel & Prom Gabon ce qui en fait quand même la plus grosse filiale du Groupe Maurel & Prom. En ce qui concerne l’augmentation du CA, c'est une combinaison de deux choses. Dans notre sphère de contrôle, il y a d’une part le maintien de notre niveau de production avec des investissements, et d’autre part des procédures opératoires pour assurer la disponibilité des installations. Mais il faut aussi tenir compte du contexte extérieur, celui du prix des matières premières qui est resté très favorable ces dernières années.
En matière d’environnement, quels efforts sont consentis par Maurel & Prom pour le préserver et éviter les impacts sur les populations de l’activité d'extraction de pétrole ?
L'environnement est un sujet au cœur de nos valeurs une de nos préoccupations majeures avec la sécurité des personnes et des biens. C’est aussi un sujet important pour nos investisseurs et pour toutes nos parties prenantes, que ce soit l'administration, les populations et même les employés. Nous avons globalement deux grands principes pour gérer notre impact environnemental. Le premier est le suivi de l'intégrité de nos installations, qui est rigoureux et en ligne avec les standards internationaux. Notre site d’ONAL a une quinzaine d'années. Nous sommes depuis quelques années déjà dans un programme de requalification de nos capacités, de surveillance de nos pipes, de revue de l'intégrité de nos installations pour nous assurer que nous n’avons pas de situation dommageable pour l'environnement. Le deuxième principe est un suivi précis et rigoureux de tous nos rejets, en étroite collaboration avec les ministères de tutelle que sont celui du Pétrole et du Gaz et celui de l’Environnement, de l’Ecologie et du Climat. Par exemple, nous avons initié depuis quelques années un gros programme de reboisement des plates-formes abandonnées. C'est un programme étalé sur plusieurs années qui fait que la nature reprend plus rapidement ses droits sur des zones initialement exploitées. Un autre programme qui a été très bien mené par nos équipes EHSS en 2024 concerne la réduction au minimum de tout ce qui est déchets plastiques générés sur nos sites. Tout changement génère quelques réticences, mais aujourd'hui c'est au contraire une chose dont tout le monde est très fier. Il n’y a pas de petits gains en ce qui concerne la protection de l’environnement.
En 2024, comment se sont déclinées vos actions de société citoyenne sur les projets liés aux Provisions pour investissement diversifié (PID) et pour investissement en hydrocarbures (PIH) ?
Nous avons principalement trois types d'activités que nous finançons avec notre PID-PIH. Les premières sont des activités où nous sommes juste pourvoyeur de fonds sur des projets exécutés directement par l'administration. Un bon exemple de ce type de projet est la remise en état de l'université des sciences et techniques de Masuku, pour laquelle nous avons contribué financièrement. Le deuxième type d’activités concerne celles où nous sommes aussi maîtres d'œuvre. À ce propos, nous avons de gros projets qui concernent les populations autour de nos installations. Nous construisons une route qui facilite le transport entre la zone des Grands Lacs, à côté de notre site, et la ville de Lambaréné, le centre urbain le plus proche. Elle facilitera la vie des populations et permettra de favoriser la production agricole et le commerce dans cette zone. Nous avons également eu des projets d'électrification de deux villages autour de notre site à partir de notre centrale électrique. Enfin, en ligne avec les objectifs de l'administration, nous avons réalisé de nombreux projets d'eau dans les villages afin d'apporter de l'eau potable même dans des zones a priori enclavées. En troisième lieu, depuis 2023, et cela va probablement continuer jusqu'en 2027-2028, nous avons validé, conjointement avec l'administration, des projets importants et structurants pour la ville de Lambaréné : une cité d'une centaine de maisons avec une école, un économat et bien sûr pas mal d'infrastructures annexes. Nous avons aussi validé la construction d'un ponton et d'un beach, sachant que Lambaréné est une ville fluviale et qu'une grande partie de la population se déplace vers l'intérieur du pays par l’Ogooué, le plus grand fleuve du pays.
Le projet d’une centrale électrique de 40MW a pour triple ambition de sécuriser la disponibilité de l’électricité pour les populations de Lambaréné, de permettre le développement de la zone économique d’IKOLO et le développement de projets miniers dans la zone la plus connue étant Maboumine.
« Nous avons l'ambition d'augmenter la capacité électrique de la ville de Lambaréné d'ici trois ans. »
Comprenez-vous l’insistance du gouvernement lors de la 30e Commission paritaire de gestion (CPG) sur la nécessité d’une coordination plus efficace entre les acteurs impliqués dans les projets PID/PIH, sachant que vous avez accusé certains retards dans des projets censés être réalisés en 2024 ?
Maurel & Prom est demandeur de ce genre d'initiatives pour deux raisons. Cette synergie peut nous permettre de réaliser des projets plus ambitieux en mutualisant les ressources. Ce sont typiquement des opérations sur lesquelles tout le monde est gagnant. Par exemple, certaines zones du Gabon sont très marécageuses, avec le prix du kilomètre de route bitumé relativement cher. Cependant, si l’on construit une route qui désenclave certaines zones du pays, les populations en profitent parce que cela fait baisser le coût de la vie et crée des opportunités d'investissement pour eux. Aussi, tous les opérateurs économiques de la zone en profitent parce que cela fait aussi baisser leur coût logistique et d'opération. Voilà le type de projets que l'on aimerait réaliser davantage et pour lesquels nous souhaitons travailler en synergie avec d'autres partenaires.
La coordination nous fournit également un alignement de toute l'administration sur certains projets, ce qui facilite le travail administratif. Sur le périmètre de Maurel & Prom, on construit une cité avec une école à Lambaréné. Un projet qui, initialement, paraît simple a de nombreuses parties prenantes. (Pétrole, Travaux publics, Cadastre, Éducation nationale, Energie). Nous sommes preneurs d’une coordination de l’administration car ils sont certainement plus efficaces que nous pour coordonner tous ces pans de l'administration. Nous espérons vraiment que cela va se matérialiser.
Comment Maurel & Prom Gabon compte-t-il impulser des actions en droite ligne avec le projet de société du président « Bâtissons l'Édifice Nouveau », notamment durant les 100 premiers jours sous cette Ve République ?
Notre feuille de route est bien sûr en ligne avec les orientations du chef de l'État. Les éléments palpables dans les 100 premiers jours de son mandat sont, au début du mois de juillet de cette année, notre campagne d'acquisition sismique qui va effectivement démarrer avec les premiers points d'acquisition. En plus de tout l'espoir que cela suscite en termes d’augmentation de la production et des réserves, cela représente aussi, dès le mois de juillet, près de 400 emplois directs et 1 000 emplois indirects pour le pays. Nous avons dans les 100 jours un autre gros projet qui n'est pas tout à fait un projet RSE mais un projet qui a un fort caractère sociétal : l'ambition d'augmenter la capacité électrique de la ville de Lambaréné d'ici trois ans. Le puits d'exploration qui va confirmer les ressources de gaz nécessaires à ce projet sera foré au mois d’août 2025. C'est un puits que l’on va forer sur un autre permis qui appartenait à Total il y a quelques années et sur lequel du gaz avait été découvert il y a une quinzaine d'années. Á l'époque, le gaz n'était pas valorisé, ce qui a complètement changé aujourd'hui sous l’impulsion de l’administration. Ce projet de centrale électrique constitue un investissement de près de 100 millions de dollar sur les trois prochaines années. En plus du puits qui sera foré cette année, il comprend la pose de près de 100 km de gazoduc ainsi que la construction de la centrale électrique à Lambaréné.
Propos recueillis par Paul de Manfred