Dès la prise de fonction de Charles M’Ba, ministre des Comptes publics, en septembre 2023, le gouvernement de la Transition s’est attelé à restaurer sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds et des opérateurs économiques, tout en déployant des mesures fortes qui répondent aux préoccupations des populations.
Depuis l’avènement de la Transition, quelles actions fortes avez-vous engagées
pour assainir les finances publiques ?
Charles M’Ba : En arrivant en responsabilité, nous avons trouvé une situation des finances publiques assez préoccupante, notamment d’importants dérapages budgétaires. Il était impératif de restaurer notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires et de prendre rapidement des mesures fortes visant à répondre aux préoccupations des populations dans le contexte d’inflation qui prévalait et qui perdure. Nous nous sommes donc attelés à élaborer une feuille de route conforme aux instructions du PRPTCE (Programme de renforcement de la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques) et axée d’une part sur le renforcement de la gouvernance managériale et financière, d’autre part sur l’amélioration de la prévisibilité et de l’exécution budgétaires. Sur ces deux aspects, nous enregistrons aujourd’hui des avancées significatives reconnues par les bailleurs de fonds, au rang desquels le FMI.
Sur le plan de la gouvernance, nous avons entrepris la réforme de la direction générale du Budget et des Finances publiques en séparant les fonctions d’ordonnateur et de contrôleur et, pour assurer une centralisation des ressources publiques et intensifier leur contrôle, en créant une direction générale du Contrôle budgétaire et financier et en renforçant le compte unique du Trésor. Nous avons amélioré l’inclusion financière des agents de l’État pour réduire le nombre d’opérations traitées en numéraire et favoriser la transparence financière. Par ailleurs, les missions et capacités des inspecteurs des services du ministère ont été consolidées.
S’agissant du deuxième volet, nous sommes parvenus à élaborer un budget transparent qui prévoit un niveau réaliste pour certaines dépenses, essentiellement sociales, notamment en matière d’allocations d’études pour les élèves du secondaire. Nous sommes parvenus à augmenter significativement le niveau des dépenses d’investissement pour répondre rapidement aux attentes des populations, et à procéder à la réforme du régime des pensions des agents de l’État, attendue depuis des lustres, dès la mise en place du budget en janvier 2024. Ce dernier point est une réelle performance, puisque cela ne s’est jamais fait avant le mois d’avril. Et pour restaurer la confiance des opérateurs économiques et la signature du Trésor, nous avons rétabli depuis le mois d’avril 2024 la journée comptable au profit des fournisseurs de l’État, conformément aux annonces faites par le chef de l’État.
« Le budget 2024 a connu une hausse de 15,5 %. »
Au titre de l’année 2024, le budget gabonais s’élève à 4 762 milliards de FCFA. Quelle est la part des investissements dans les secteurs porteurs ?
Le budget 2024 a connu une hausse substantielle de 15,5 % par rapport à l’année dernière, tirée principalement par les transferts et interventions (en hausse de 38 %) et les dépenses d’investissements (+ 67 %). Au-delà du soutien aux populations confrontées à la détérioration de leur pouvoir d’achat, cette évolution des dépenses de transferts et interventions procède de la volonté des plus hautes autorités de rétablir la vérité et la sincérité budgétaires pour tenir compte de la réalité de certaines dépenses sociales, notamment les bourses (+ 48,5 milliards de FCFA), la subvention des prix à la pompe (+ 29 milliards de FCFA), la restauration pour les étudiants (+ 3,9 milliards de FCFA), les frais d’écolage et la gratuité des inscriptions (+ 10,9 milliards de FCFA), etc. Concernant les dépenses d’investissements et en lien avec les ambitions du Plan national de développement de la Transition (PNDT), elles ont été portées à 497 milliards de FCFA pour le budget général afin de tenir compte des besoins urgents des populations en infrastructures de base et de soutenir la reprise des activités économiques…
Quel bilan faites-vous des dernières missions de la Banque mondiale et du FMI effectuées au Gabon ?
Dès notre arrivée, nous avons entrepris un dialogue transparent avec les différents bailleurs de fonds en assumant le lourd passif dont nous héritons de l’ancien régime. Les premières données mises à disposition de ces partenaires techniques ont révélé une situation des finances publiques assez inquiétante que nous nous attelons à améliorer. En effet, le gouvernement de la Transition a décliné de façon claire une feuille de route à travers l’élaboration, l’adoption et la vulgarisation du PNDT. Les différents leviers de mise en œuvre de ce plan sont en train de se mettre progressivement en place, comme le Programme d’urgence de développement communautaire pour lequel nous venons de signer un accompagnement de 200 millions de dollars avec le PNUD.
Pensez-vous atteindre l’ensemble de vos objectifs en 2024 ?
Le plan d’action élaboré par le ministère des Comptes publics sur les orientations du président de la Transition et du Premier ministère est une orientation stratégique sur 2 ans. De nombreux objectifs ont déjà été atteints à ce jour, et une revue périodique est effectuée par l’ensemble des équipes de mon département. Les résultats sont encourageants, et nous sommes optimistes sur le respect des échéances fixées.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet