« Toutes les équipes sont mobilisées pour atteindre les objectifs assignés »

À la tête de la direction générale des Impôts, Éric Boumah se fait une haute idée de la rectitude requise à tous les échelons de son administration. Au-delà de sa dimension morale, elle est aussi, selon lui, un gage d’efficacité pour l’atteinte des objectifs de ressources assignés à cette régie financière.

Vous êtes à la tête de la direction générale des Impôts depuis septembre 2023. Quel est votre bilan au bout de près de deux ans d’exercice ? 

 

Éric Boumah : Depuis ma nomination à la tête de la direction générale des Impôts (DGI) le 2 octobre 2023, nous nous sommes fixé des objectifs clairs en matière de gouvernance, notamment la modernisation de l’administration par l’achèvement du projet de digitalisation des services amorcé par nos prédécesseurs, la consolidation des mécanismes de contrôle, l’amélioration de la performance et la prise en compte du capital humain. De ce point de vue, il nous semble primordial de maintenir une certaine stabilité au sein de notre administration. Nous pouvons dès lors tenter de répondre à la question de savoir si le dialogue social permanent et le vœu du mérite et de l’exemplarité au sein des services fiscaux du Gabon, fixés comme orientations lors de la célébration des fêtes du travail de 2024 et 2025, garantissent la stabilité nécessaire à l’atteinte de l’objectif de bonne gouvernance de notre administration et par conséquent de mobilisation accrue des recettes fiscales.

 

Lors de la fête du Travail de 2024, votre mot d’ordre était le maintien d’un dialogue social permanent, et lors de celle de 2025, le mérite et l’exemplarité. La célébration de ces fêtes garantit-elle la stabilité sociale dans votre administration ?

 

L’instauration de la célébration de la fête du travail à la DGI vise à offrir aux agents des moments récréatifs et de retrouvailles qui leur permettent de célébrer leurs droits. Il s’agit précisément de communier avec tous les agents de la DGI. Et les partenaires sociaux, défenseurs des droits des agents, occupent une place de choix lors de ces cérémonies. Á la question posée, il est donc possible de répondre par l’affirmative. En effet, le dialogue social permanent instauré et animé dans le cadre du Comité de concertation entre l’administration et les partenaires sociaux constitue le cadre par lequel les préoccupations des agents de la DGI sont discutées et des pistes de solutions envisagées. Il est important de souligner que le Comité de concertation n’est pas le seul moyen de communication entre les partenaires sociaux et la DGI. Nous les recevons régulièrement pour échanger sur les questions en rapport avec le social. Les syndicats demeurent une véritable force de propositions pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des agents. Il faut reconnaître que depuis l’avènement du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et, aujourd’hui, à l’ère de la Ve République, le climat social s’est apaisé, particulièrement au sein de la DGI, et plus généralement dans les régies financières. La mobilisation des partenaires sociaux, de leurs adhérents et de l’ensemble du personnel de la direction générale des Impôts au cours de ces deux célébrations de la journée des revendications socio-professionnelles des travailleurs témoigne ainsi de la stabilité sociale de notre administration. 

 

« Les règles d’éthique et de déontologie sont un gage de stabilité et d’atteinte des objectifs de mobilisation des recettes assignés à la DGI. »

 

S’agissant de la promotion du mérite et de l’exemplarité, qui a été mon maître-mot lors de la fête du travail célébrée le 1er mai 2025, je rappelle que le droit est un phénomène d’accoutumance. Depuis 2023, un accent est ainsi mis sur le mérite et l’excellence. L’équipe qui m’accompagne a d’ailleurs été choisie sur la base de ces critères. Je ne dis nullement que les autres agents n’ont pas de mérite. Malheureusement, l’organigramme de la DGI, qui trouve son fondement dans le décret n° 122/PR/MECIT du 28 février 2012, ne permet pas de promouvoir tout le monde à des postes de responsabilité. 

 

Cependant, plusieurs actions conduites à la DGI nous amènent à considérer tous les talents dont regorge notre administration, qui doit se conformer à ses propres décisions et à celles des plus hautes autorités. Elle doit amener nos agents à développer un certain nombre d’attitudes favorisant des comportements consensuels en vue d’atteindre les objectifs fixés et les résultats escomptés. L’agent des impôts se doit donc d’être exemplaire vis-à-vis de la hiérarchie, de ses collègues et des usagers, notamment les contribuables qui constituent nos clients. Cela appelle donc au respect des règles d’éthique et de déontologie, notamment l’obligation d’obéissance hiérarchique, la loyauté, le dévouement, l’intégrité et la dignité, l’exécution consciencieuse et efficace des tâches ainsi que le respect des horaires de service et du secret professionnel. Ces règles sont un gage de stabilité et d’atteinte des objectifs de mobilisation des recettes assignées à la DGI. 

 

Quelles sont les innovations contenues dans l'annexe fiscale 2025, et quels sont les changements majeurs incitatifs pour un investisseur ?

 

Compte tenu de l’expérience acquise au sein de la DGI, la fiscalité a souvent été considérée, à tort ou à raison, comme un critère primordial pour les investissements directs étrangers. Cependant, il existe d’autres critères aussi importants qui peuvent motiver la décision d’un investisseur. C’est notamment le cas des infrastructures énergétiques ou routières, de la stabilité politique et de la sécurité juridique. Le dispositif fiscal actuel comporte des incitations fiscales d’ordre général. Elles sont notamment contenues dans les régimes fiscaux particuliers tels que le régime fiscal des entreprises nouvelles ou de certains secteurs d’activité comme les industries extractives.

 

Ainsi, au titre des innovations de la loi de finances pour l’année 2025, il importe de préciser que désormais, les sociétés qui sont éligibles aux codes spécifiques suivant la Charte des investissements bénéficient d’une exonération de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les trois premiers exercices. De même, les ventes du pétrole destiné aux activités de pêche sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutes ces mesures traduisent la volonté du gouvernement de construire un environnement des affaires plus compétitif, capable d’attirer des nouveaux capitaux, de stimuler l’innovation, de créer des emplois et, in fine, de soutenir une croissance durable. Toutefois, il convient de souligner que l’un des défis qui se posent à la DGI est une gestion plus rigoureuse des dépenses fiscales à travers la réduction des avantages fiscaux et une analyse fine du bien-fondé de l’octroi des incitations fiscales.

 

L’année dernière, votre département a lancé la plate-forme DIGITAX Gabon, qui a permis de récolter plus de 102 milliards de FCFA de recettes fiscales. Quels sont ses avantages pour les PME, et quelle est la valeur ajoutée des démarches fiscales en ligne ? 

 

La DGI s’est engagée, depuis quelques années, à améliorer l’efficacité de ses services et à renforcer la transparence dans la prise en charge des obligations déclaratives et de paiement des contribuables. Á ce titre, elle a lancé en 2024 le processus de digitalisation des services fiscaux par la mise en place du portail des télé procédures qui intègre trois composantes : la plate-forme E-t@x qui permet aux contribuables de souscrire les déclarations en ligne, le système de gestion des processus métiers DIGITAX pour l’administration fiscale, et enfin la console e-bank_DGI destinée à recevoir les ordres de paiement. La première phase de mise en œuvre du projet DIGITAX a concerné les moyennes et les grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel hors taxes supérieur à soixante millions de FCFA. Actuellement, le déploiement de la plate-forme e-t@x aux petites entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à soixante millions de FCFA, a débuté avec les contribuables qui relèvent du Centre des impôts d’Akanda et du Centre des impôts des petites entreprises et des particuliers (CIPEP) de Port-Gentil. La possibilité, pour les petites entreprises, de déclarer et de payer leurs impôts en ligne constitue un avantage inouï en ce sens qu’il n’est plus nécessaire de se déplacer pour accomplir ses obligations fiscales. Ces contribuables travaillent le plus souvent seuls car ils ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour les charges sociales. Avant l’implémentation de e-t@x, ils étaient souvent obligés de suspendre leurs activités afin de se rendre dans un centre des impôts pour leurs démarches fiscales. Avec e-t@x, la déclaration et le paiement des impôts se font sur place, ce qui constitue un gain de temps et d’argent. 

 

« La qualité de service rendu aux usagers améliore le rendement de l’impôt et favorise l’accroissement des recettes fiscales. »

 

On sait que l’administration fiscale gabonaise a fait de la satisfaction de ses usagers un axe majeur de sa politique. Comment cela se décline-t-il au quotidien ? 

 

La conformité fiscale, c’est-à-dire le dépôt des déclarations et le paiement des impôts par les contribuables dans les délais légaux, constitue un indicateur de bonne gouvernance. La qualité de service rendu aux usagers est donc une priorité de l’administration dont j’ai la charge en ce sens qu’elle améliore le rendement de l’impôt et favorise l’accroissement des recettes fiscales. Á cet effet, la direction générale des Impôts a, depuis quelques années, engagé un certain nombre de réformes en vue de l’amélioration continue du service rendu aux usagers. Parmi ces réformes, l’on peut citer la mise en place de l’Interlocuteur fiscal unique (IFU) qui permet aux contribuables de s’adresser à un seul interlocuteur pour toutes leurs démarches fiscales, la segmentation des contribuables, la mise en place des centres des impôts de proximité et la digitalisation des processus grâce à la mise en œuvre du projet DIGITAX. La plate-forme de télé procédures améliore non seulement les services aux contribuables mais aussi la transparence, la sécurisation des recettes et la simplification des procédures fiscales. 

 

Vos services ont mené une offensive auprès des propriétaires de titres fonciers ainsi que des occupants de longue durée de biens publics pour qu’ils s’acquittent de la Contribution foncière unique (CFU), qui représente jusqu’à présent environ 13 milliards de FCFA et que vous souhaitez mobiliser à hauteur de 26 milliards de FCFA malgré un faible taux de formalisation foncière. Comment allez-vous vous y prendre ?

 

Instituée par la loi de finances pour l’année 2022, la Contribution foncière unique (CFU) est la synthèse de deux anciens impôts : la Contribution foncière des propriétés bâties (CFPB) et la Contribution foncière des propriétés non bâties (CFPNB). Cette réforme a été élaborée dans une vision de simplification du paiement des impôts fonciers et d’amélioration du rendement de ces impôts.

 

Il convient de souligner que les personnes physiques n’ont pas souvent correctement rempli leurs obligations déclaratives et de paiement en la matière. C’est pourquoi la direction générale des Impôts a lancé pendant les mois de mars et d’avril une campagne de communication, de sensibilisation et d’information sur la CFU. Comme je le disais, l’accroissement des recettes fiscales passe également par la sensibilisation et l’information auprès des contribuables. Les recettes de la CFU sont, en grande partie, versées par des personnes morales, notamment les sociétés. Cette situation est due, entre autres, à la faible régularisation foncière des services compétents. Toutefois, avec le renouvellement des campagnes de communication et de recensement des propriétaires et des propriétés imposables par les équipes dédiées, la DGI entend doubler les recettes de la CFU. 

 

En 2024, votre régie financière est parvenue à mobiliser 1 080,73 milliards de FCFA. En 2025, quels sont vos défis en matière de mobilisation de recettes ?

 

La mission principale de la direction générale des Impôts est la collecte des impôts, droits et taxes qui relèvent de sa compétence. De fait, au titre de l’année 2025, le gouvernement a assigné un objectif de 1 156,930 milliards de FCFA. C’est un objectif en nette progression par rapport à l’année 2024. Toutes les équipes sont déjà mobilisées, et nous allons y arriver. 

 

De quelle manière la régie financière que vous dirigez compte-t-elle participer au projet de société du président « Bâtissons l'Édifice Nouveau » de cette Ve République ?

 

Le président de la République a impulsé une nouvelle ère placée sous le sceau de la refondation de l’État, de la justice sociale, de la bonne gouvernance et du redressement économique. Dans ce contexte, la direction générale des Impôts constitue un maillon essentiel de cette ambition de transformation du Gabon. En effet, notre administration devrait davantage jouer son rôle de collecte des impôts par la mise en place de mécanismes qui favorisent l’équité, l’efficacité, la performance et la transparence dans la mobilisation des ressources. Sous ce rapport, la direction générale des Impôts s’est engagée depuis quelques années dans un processus de digitalisation de ses services. Après les moyennes et les grandes entreprises, la plate-forme de télé procédures se déploie vers les petites entreprises et les particuliers. Cet outil permettra, comme cela a été observé dans sa première phase de déploiement, d’accroître significativement des recettes. La direction générale des Impôts entend participer au projet de société du président par l’opérationnalisation du Plan Stratégique 2025-2027 qui comporte quatre axes majeurs : le renforcement de la gouvernance, la modernisation du service rendu à l’usager, l’amélioration du rendement du personnel et l’accroissement des recettes fiscales. 

 

Propos recueillis par Andju Ani