« Une de nos priorités pour 2025 est d’installer une unité de conditionnement à Libreville »

Loggin Warren Kambogo Ngakoussou, directeur général de SOVAPROAT, ambitionne d’exporter ses produits Oila Lentseghet, pour les cosmétiques, et Valeur Absolue, pour l’alimentaire, sur les marchés d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, d’Europe et d’Asie.

 

Pouvez-vous nous présenter votre entreprise SOVAPROAT, créée en 2019 à Franceville, troisième ville du pays ? 

 

Loggin Warren Kambogo Ngakoussou : Créée en 2018 et ayant effectivement débuté ses activités en 2019, la Société de Valorisation et de Production de Produits Agricoles, Apicoles, Agro-industriels et du Terroir au Gabon (SOVAPROAT) est une PME gabonaise au capital de 5 millions de FCFA qui s’est donné pour mission principale le développement et la valorisation des produits agricoles et forestiers non ligneux du terroir. Á cet effet, sans que ses axes d’intervention soient clos, elle a investi dans des champs de base pour garantir le minimum requis de matières premières et a noué des partenariats stratégiques avec des agriculteurs locaux ainsi que les collecteurs de produits forestiers non ligneux. Avec un effectif de six personnes en atelier et cinq personnes dans les champs, SOVAPROAT évolue autour de six ateliers : atelier des infusions, atelier d’extraction d’huiles essentielles et végétales, atelier des épices, atelier des farines, atelier des sirops et atelier cosmétique.

 

Quel est le cœur de métier de votre société positionnée dans le secteur de l'agro-industrie ? 

 

Notre cœur de métier est la valorisation via la transformation. En effet, SOVAPROAT s’applique à identifier, étudier et produire des essences locales pour ensuite les mettre en valeur sous divers formats transformés. Bien qu’intervenant sur plus d’un point de chaîne de valeur, nous mettons un accent particulier sur la transformation agricole.

 

Pour l'exercice 2024, comment a évolué votre chiffre d’affaires par rapport à 2023 ? 

 

Entre 2024 et 2023, nous avons enregistré une évolution du chiffre d’affaires de plus de 50 %, et cela malgré quatre mois de non-activité due principalement à des perturbations dans nos fournitures en emballages.

 

SOVAPROAT a créé deux marques : Valeur Absolue pour les produits alimentaires et Oila Lentseghet pour les produits cosmétiques et de bien-être. En quoi sont-elles originales ? 

 

Premièrement les produits de ces marques sont issus de la transformation de matières directement prélevées des forêts et/ou tirées d’une agriculture totalement biologique. Ensuite, de par le goût, l’arôme, l’apport nutritif ou le bien-être délivré, nos marques répondent aux difficultés de valorisation du « made in Africa » en général et du « made in Gabon » en particulier. En d’autres termes, à travers nos marques, la lumière est mise sur le savoir-faire africain encore très peu vulgarisé. De plus, nous sommes dans un processus éco-responsable où la matière première est respectée et totalement valorisée. Par exemple, après nos récoltes ou achats d’ananas, la couronne est réintroduite dans nos extensions de champs, la peau et le cœur sont utilisés pour nos infusions, la chair est transformée en snack et le jus recueilli pendant le processus est transformé en vinaigre. Nous sommes pratiquement sur du zéro déchet. Enfin, derrière chaque produit transformé, il y a les mains de ce jeune Gabonais ou cette jeune Gabonaise employé(e) aux champs ou en atelier, il y a cette mère agricultrice qui approvisionne en matières premières, il y a aussi cette coopérative agricole qui a pu trouver un débouché immédiat et sûr pour vendre ces produits agricoles, sans oublier ces enseignes de magasins que nous accompagnons dans leur promotion des produits locaux.

 

Quelles sont les origines de vos matières premières et en quoi votre approche est-elle écologique ? 

 

Nos matières premières sont directement prélevées des forêts et/ou tirées d’une agriculture totalement biologique. L’exploitation agricole de SOVAPROAT, d’où sont tirés 70 % des matières premières, s’étend sur une dizaine d’hectares environ, et est couvert par un circuit apicole de 2,3 km intégré à l’exploitation. Le reste est prélevé par des autochtones dans nos forêts et savanes ou produit par d’autres exploitants agricoles.

 

« SOVAPROAT a participé à la valorisation d’environ 300 hectares, dont plus de 200 dans les plateaux Batékés. »

 

De quelle manière SOVAPROAT garantit-elle la qualité de ses produits tout en privilégiant l'aspect innovant et écologique ?

 

SOVAPROAT s’appuie sur des processus de production, de traitement, de transformation et de conditionnement alliant des connaissances artisanales et ancestrales pour conserver l’authenticité et l’originalité du terroir, ainsi que des méthodes modernes et respectueuses des normes écologiques, de bonne pratique et phytosanitaires. L’entreprise a obtenu de son alignement à ces normes un agrément phytosanitaire, un agrément national PME, une attestation de participation aux comités techniques nationaux de normalisation sur les produits alimentaires et cosmétiques, et enfin un certificat technique de l’Agence du médicament. Tous ces éléments concourent à offrir à nos consommateurs des produits innovants et de qualité.

 

Avec 5,2 millions d’hectares de terres arables et un climat favorable, votre pays possède de solides capacités agricoles, mais son secteur agricole est sous-développé, l’obligeant à payer une facture d'importation alimentaire colossale de 350 à 400 milliards de FCFA par an. Comment SOVAPROAT contribue-t-elle à réduire cette facture ? 

 

Pour jouer sa partition dans l’essor alimentaire, notre entreprise mise grandement dans la chaîne de valeur primaire et investit donc dans l’exploitation des champs. Á ce jour, SOVAPROAT a participé à la valorisation d’environ 300 hectares, dont plus de 200 dans les plateaux Batékés.

 

Avez-vous engagé un travail pédagogique pour tenter de changer les mentalités auprès des jeunes afin qu'ils arrêtent de penser que la réussite n’est pas possible dans les métiers de la terre et que l’avenir se trouve plutôt derrière un bureau ? 

 

Le travail pédagogique et de sensibilisation est continu. Depuis le lancement de ma carrière entrepreneuriale, je ne cesse de présenter aux jeunes comme moi et aux plus jeunes la valeur ajoutée qu’offrirait le secteur agricole et de la transformation. Comme vous le rappelez, nous bénéficions d’étendues arables non exploitées à faire pâlir d’envie mais nous peinons à en tirer profit. Et je pense que l’une des clés de ce problème réside dans la mise en lumière d’exemples, dits « champions nationaux », qui serviraient de référence à ces jeunes. L’un de mes battements de cœur est de pouvoir, au travers de mon expérience et de mon activité, susciter un sursaut, un éveil pour ma génération et celles à venir. 

 

Sur votre feuille de route, quelles sont vos priorités pour 2025 ? 

 

Nos priorités pour 2025 sont de capitaliser sur l’intérêt manifeste de partenaires comme la Fondation Perenco, et le GAIN (Gabon Angel Investor Network) pour un investissement au développement de nos activités. Mais nous souhaitons aussi informer largement sur l’attractivité du secteur agricole et encourager les coopératives à produire pour appuyer notre activité. Par ailleurs, nous avons l’ambition d’exporter nos produits qui suscitent déjà un intérêt prononcé, notamment en sous-régions africaines (Côte d’Ivoire, Maroc, Cameroun…), en Europe (France, Angleterre…) et en Asie (Japon). Enfin, nous voulons initier, commander ou promouvoir la recherche et développement pour la mise en valeur des produits agricoles, apicoles et forestiers non ligneux.

 

Les pouvoirs publics appuient-ils l’entrepreneuriat au Gabon ?

 

Depuis plusieurs mois déjà, les pouvoirs publics multiplient des actions concrètes en faveur du développement des PME. Cependant, l’accès à cet accompagnement n’est pas encore à la hauteur de nombreuses attentes. Cependant, l’accès à cet accompagnement n’est pas encore à la hauteur de nombreuses attentes. Dans le même ordre, les structures d’appui et d’accompagnement comme les laboratoires, les agences de certification et de contrôles doivent s’aligner aux initiatives présidentielles pour faciliter l’éclosion et le développement des PME au lieu d’être des facteurs bloquants. Il est néanmoins important de reconnaître les efforts des partenaires comme la RSE de COMILOG à travers son fond stratégique pour le développement de l’entrepreneuriat, la microfinance BAMBOO qui a facilité l’accès à ce fond avec brio, et même PRIX IMPORT (CARREFOUR) et Lagardère qui se sont alignés en premier dans la distribution de nos produits en grande surface.

 

Propos recueillis par Louise Babilou-Durand