Bâtir un environnement transparent et éthique qui favorise les investissements

Epiphane Zoro Bi Ballo, président de la Haute Autorité de la bonne gouvernance (HABG) depuis octobre 2023, évoque les six axes prioritaires de son plan stratégique 2024-2026. Parmi les initiatives en cours, le renforcement des dispositifs de protection des lanceurs d’alerte. 

 

 Président de la Haute Autorité de la bonne gouvernanceVous étiez ministre en charge de la Bonne Gouvernance avant d’être nommé président de la HABG (Haute Autorité de la bonne gouvernance). Quel est le bilan du premier plan stratégique 2021-2023 de cette institution ?

 

Epiphane Zoro Bi Ballo : Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer sur le bilan du premier plan stratégique de la HABG. Je dois dire qu’il est positif, et ce à plusieurs niveaux. D’abord, nous avons significativement renforcé les initiatives de déclaration de patrimoine, qui sont à 83,03 % en 2023, contre 76,33 % en 2020. Ensuite, nous avons consolidé le dispositif de répression de la corruption avec le lancement de la plate-forme SIGNALIS, un outil précieux pour recueillir les plaintes et dénonciations. En 2023, nous avons également mené des enquêtes de fragrance qui ont permis d’interpeller plus de 40 agents publics et ont constitué un signal fort envoyé à tous ceux qui pensent pouvoir agir en toute impunité. Par ailleurs, la HABG s’est engagée dans une dynamique de coopération nationale et internationale fructueuse, concrétisée par la signature de sept accords : trois au niveau national et quatre au niveau sous-régional. Enfin, nous avons intensifié les actions de sensibilisation et d’éducation avec la mise en place de 64 comités locaux d’intégrité et de plates-formes anticorruption. C’est une priorité pour nous de toucher les populations et de les impliquer dans la lutte contre la corruption. L’évaluation du système d’intégrité et l’élaboration de la cartographie des risques de corruption et de fraude dans neuf administrations issues de quatre secteurs témoignent de notre volonté d’agir de manière préventive et proactive. Je suis fier de rappeler que la Stratégie nationale de lutte contre la corruption, un outil crucial pour mettre en place une stratégie nationale cohérente et efficace, est en cours d’adoption par le gouvernement.

 

« La Stratégie nationale de lutte contre la corruption est en cours d’adoption par le gouvernement. »

 

Comment capitaliser les acquis de la HABG pour la positionner comme structure de référence et d’appui à l’ensemble des initiatives de lutte contre la criminalité économique, financière et transfrontalière dans votre pays ?

 

Vous savez, la période 2024-2026 sera une phase de consolidation. Nous nous appuierons sur les acquis du premier plan stratégique pour intensifier les actions de prévention et de lutte contre la corruption. Cela passe par l’application effective des sanctions prévues par la loi, les poursuites judiciaires et les sanctions administratives. Mais la sensibilisation et l’éducation des populations sont tout aussi importantes. Nous devons tous, citoyens et institutions, être vigilants et conscients des enjeux liés à la corruption. La coordination des actions des acteurs de l’écosystème de lutte contre la corruption et les infractions assimilées devra également être renforcée. Il s’agira pour nous d’agir de manière concertée et efficace, en évitant les doublons et en maximisant l’impact de nos interventions. Pour finir, la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption sera un axe central de notre action. Elle représente un cadre stratégique important pour mobiliser tous les acteurs et donner un élan décisif à la lutte contre la corruption en Côte d’Ivoire.

 

Le 20 février 2024, vous avez lancé à votre siège d’Abidjan-Cocody Riviera 3 des consultations sectorielles pour l’élaboration du nouveau plan stratégique 2024-2026. Quel est son coût, comment est-il articulé et quelles sont les innovations ?

 

Effectivement, nous avons lancé des consultations sectorielles pour l’élaboration du nouveau plan stratégique 2024-2026. Pour ce qui est du coût, il est important de noter qu’il n’a pas encore été défini. Toutefois, les consultations sectorielles organisées en amont de l’élaboration du plan stratégique ont permis d’identifier les défis sectoriels à prendre en compte. Conformément au Plan de travail annuel 2024, le plan stratégique sera axé autour de six points : la consolidation du cadre institutionnel et de coordination de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, la promotion de la transparence, de l’intégrité et de la redevabilité dans la gestion du développement, la promotion de la participation citoyenne à la gouvernance et à la lutte contre la corruption, le renforcement de la coopération internationale et du partenariat pour la gouvernance et la lutte contre la corruption, le renforcement de la communication interne et externe de la HABG, et enfin le renforcement des capacités et de la gouvernance de la HABG. En ce qui concerne les innovations majeures, elles porteront essentiellement sur la mise en œuvre des instruments du budget programmes, notamment l’adoption des contrats d’objectifs et de performances.

 

 « En un an seulement, la Côte d’Ivoire  a reporté 3 points et grimpé de 12 places dans le classement de l’ONG Transparency International. » 

 

Quels étaient les objectifs recherchés lors de l’atelier de consultations qui s’est tenu le 20 février 2024, et dans quelle mesure le nouveau plan stratégique s’aligne-t-il sur le PND 2021-2025 ?

 

C’est une excellente question. Le 20 février 2024, la HABG a tenu un atelier unique, mais essentiel, qui a marqué un tournant décisif pour notre institution. Cet atelier a été une plate-forme dynamique où nous avons plongé dans les priorités de développement économique et social qui façonnent l’avenir de la Côte d’Ivoire. Notre objectif était clair : aligner nos actions sur les aspirations concrètes des acteurs clés engagés dans la promotion de la bonne gouvernance et dans la lutte contre la corruption. Ce dialogue ouvert et cette réflexion collective nous ont permis d’identifier des axes d’intervention stratégique qui résonnent avec les besoins sur le terrain. En nous appuyant sur cette base solide, nous élaborons un nouveau plan stratégique qui s’inscrit parfaitement dans la continuité de la vision et des grandes lignes du Plan national de développement (PND) 2021-2025. Ce plan n’est pas qu’un document : c’est une feuille de route qui guidera nos efforts pour réaliser le potentiel plein et entier de notre nation.

 

Quel est le score de la Côte d’Ivoire au classement 2023 de l’ONG Transparency International ? Sachant que les investisseurs privés étrangers sont très sensibles au degré de corruption d’un pays, comment évolue cette question sensible en

Côte d’Ivoire ?

 

En matière de lutte contre la corruption, 2023 a été une année faste pour la Côte d’Ivoire, qui a réalisé des avancées significatives reconnues à l’échelle internationale. Le rapport de l’ONG Transparency International sur l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2023 publié le 30 janvier 2024 témoigne de cette progression. En un an seulement, la Côte d’Ivoire a remporté 3 points et a grimpé de 12 places dans le classement. Son score est passé de 37/100 avec un rang de 99e sur 180 pays en 2022 à un score de 40/100 avec un rang de 87e sur 180 pays en 2023. Ainsi, pour renforcer la confiance des investisseurs privés étrangers, le gouvernement ivoirien, sous l’impulsion du président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, poursuit résolument ses initiatives de lutte contre la corruption. Ces mesures incluent l’intensification de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et l’enrichissement illicite. De plus, nous renforçons les dispositifs de protection pour les lanceurs d’alerte et coordonnons les actions des institutions et structures nationales engagées dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées et dans la prévention. Notre engagement est ferme : bâtir un environnement transparent et éthique qui favorise les investissements durables en Côte d’Ivoire.

 

Que devient la série La famille ZONETT, premier dessin animé ivoirien engagé dans la lutte contre la corruption ? Le succès de cette initiative pédagogique a-t-il inspiré votre institution pour lancer d’autres projets de même envergure à l’endroit de la population ?

 

Nous nous réjouissons du succès que la série animée La famille ZONETT a connu lors de sa diffusion avec ses treize épisodes captivants sur la première chaîne nationale et sur les plates-formes de réseaux sociaux. En abordant la corruption de manière accessible, elle a touché un public vaste et varié, contribuant ainsi à élever la conscience collective sur cette question cruciale. Forts de cet impact, nous sommes ravis d’annoncer que la HABG prévoit de lancer en 2024 la deuxième saison de La famille ZONETT, qui comprendra également treize épisodes. En parallèle, nous sommes impatients de présenter une toute nouvelle émission de télévision intitulée Rendez-vous de la bonne gouvernance. Cette initiative s’inscrit dans notre engagement continu à promouvoir la transparence et l’intégrité à travers des formats innovants et engageants. Restez à l’écoute pour ces développements passionnants qui promettent de marquer l’année 2024.

 

Pour 2024, quelles sont les priorités inscrites sur votre feuille de route en tant que nouveau président de la HABG ?

 

L’année 2024 sera marquée par des projets ambitieux qui vont catalyser notre engagement envers une gouvernance que nous souhaitons irréprochable. En premier lieu, nous entamerons la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption, un jalon crucial pour renforcer notre intégrité institutionnelle. Parallèlement, nous travaillerons à l’élaboration d’un indice national de bonne gouvernance qui servira de baromètre pour évaluer nos progrès. En outre, c’est dans un esprit d’innovation et d’éducation que nous sommes fiers d’annoncer la création de l’Académie nationale de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Cette institution sera un centre d’excellence pour former les leaders de demain. De plus, nous lancerons une enquête nationale sur la corruption pour mieux comprendre et combattre ce fléau. Nous nous attellerons également au traitement rigoureux des déclarations de patrimoine, assurant ainsi la transparence de nos dirigeants. La fusion et le renforcement des plates-formes SIGNALIS et SPACIA marqueront une étape importante vers une meilleure synergie dans nos efforts de surveillance. Enfin, nous alignerons nos pratiques avec la loi n° 2013-450 relative à la protection des données à caractère personnel et garantissant la sécurité et la confidentialité des informations que nous traitons. Ces initiatives sont le reflet de notre détermination à instaurer une gouvernance exemplaire en Côte d’Ivoire.

Propos recueillis par Paul de Manfred