Entretien – Coordonnateur du Projet d’assainissement et de résilience urbaine « Pour la durabilité, il faut agir sur le changement de comportements »

Lazéni Ouattara, coordonnateur du Projet d’assainissement et de résilience urbaine (PARU), annonce plusieurs travaux d’envergure pour réduire drastiquement les risques d’inondation en Côte d’Ivoire.

Lazéni Ouattara, coordinateur du projet d'assainissement et de résilience urbaine

Pourquoi la Côte d'Ivoire a-t-elle entrepris, avec le soutien du groupe de la Banque mondiale, la création du Projet d'assainissement et de résilience urbaine (PARU) ?

 

Lazéni Ouattara : La création du PARU est née de la volonté du gouvernement ivoirien de juguler les risques d’inondation dans le district autonome d’Abidjan et certaines villes de l’intérieur : vu l’urbanisation intensive, les populations s’installent dans des zones à risque, ce qui les rend vulnérables. Le 18 juin 2018, Abidjan a connu un phénomène pluvieux extrême, soit 200 mm enregistrés en une seule nuit. On a déploré 20 décès, 136 familles sinistrées et des dégâts matériels importants. Face à cette situation, le gouvernement ivoirien a sollicité la Banque mondiale pour l’élaboration d’un plan de redressement qui a conduit à la mise en œuvre du Projet d’Assainissement et de Résilience Urbaine (PARU).

Quelle est la durée du PARU, son budget et ses ressources humaines sur l’ensemble du territoire ?

 

Le projet est prévu pour durer 6 ans, avec un budget de 315 millions de dollars US. En plus d’Abidjan, il va couvrir 17 villes secondaires de Côte d’Ivoire. Il sera consacré d’une part à réduire la vulnérabilité aux risques d’inondation et de glissement de terrain par la construction et la réhabilitation des ouvrages d’assainissement et de drainage avec un appui à l’amélioration de la planification urbaine, d’autre part à améliorer la gestion des déchets solides par la mise en œuvre de systèmes améliorés de gestion et de valorisation des déchets solides dans le district autonome d’Abidjan et une dizaine de villes secondaires, contribuant par là-même à une meilleure planification de la gestion du foncier urbain. La vocation du projet est de s’appuyer sur le secteur privé et les acteurs nationaux pour l’ensemble de ses activités : consultants, d’entreprises et acteurs nationaux, notamment les structures déconcentrées du ministère de la Construction que sont la SODEXAM (Société d’Exploitation et de Développement Aéroportuaire, Aéronautique et Météorologique), l’ONPC (Office National de la Protection Civile), l’ONAD (Office National de Drainage) et l’ANAGED (Agence Nationale de Gestion des Déchets).

 

Quelles sont les missions dévolues au PARU et les composantes de son activité ?

 

Quatre composantes principales ont été déterminées. La première contribue à réduire les risques d’inondation à Abidjan et dans les villes secondaires. Elle a en charge la construction des ouvrages d’assainissement et de drainage contribuant à protéger près de 2 millions d’habitants contre les inondations. Un système d’alerte précoce sera installé, avec des outils de planification urbaine comme les plans d’urbanisme de détail pour le district autonome d’Abidjan et les schémas directeurs d’assainissement et de drainage pour cinq villes de l’intérieur. Elle prévoit la mise en place d’une académie de la résilience et l’élaboration d’outils numériques afin d’optimiser la planification urbaine comme un géoportail urbain et un système d’information géographique sur les ouvrages d’assainissement et de drainage ainsi que sur la gestion des déchets solides

La deuxième composante a trait à l’installation des systèmes améliorés de gestion des déchets dont vont bénéficier près d’un million de personnes. Les déchets insuffisamment gérés contribuant à augmenter le risque d’inondation, les voies de drainage associées à ces systèmes contribueront à éviter l’obstruction des canaux primaires de drainage des eaux pluviales. Le PARU va investir dans la construction d’un deuxième centre de valorisation des déchets dans le district autonome d’Abidjan grâce à un partenariat public-privé (PPP). Trois autres centres de valorisation et d’enfouissement sont à construire en PPP pour les villes de Toumodi, Yamoussoukro, Tiébissou, Djebonoua, Bouaké, Korhogo, Sinématiali, Ferkessedougou, Ouangolodougou, Guiglo, Duekoue et Blolequin. Plus d’un million de personnes auront donc accès à un système efficace de gestion et de valorisation des déchets, et près de 2 000 emplois seront créés.

 

« Nous prévoyons de protéger près d’un million de personnes contre les inondations à Abidjan. »

 

Quel est le bilan de vos activités en 2022 en vue de réduire la vulnérabilité aux inondations dans les zones urbaines par rapport à 2021 ?

 

Étant donné que le projet porte essentiellement sur les infrastructures, la stratégie a été de disposer de documents techniques comme les études détaillées en vue d’élaborer les dossiers d’appels d’offres. Les priorités ayant été définies, nous avons pu lancer les appels d’offres relatifs aux travaux de construction d’ouvrages de drainage d’Abobo, Yopougon et Grand-Bassam. L’exécution des travaux dans la commune d’Abobo est très bien avancée et doit s’achever au mois d’août 2023. Les travaux de Yopougon et de Grand-Bassam vont débuter d’ici peu.

 

Quelles sont vos priorités pour 2023-2024 ?

 

Nous avons effectivement des priorités, notamment en ce qui concerne le démarrage de travaux dans plusieurs zones du district autonome d’Abidjan afin de réduire au maximum les risques d’inondation. Il s’agit d’achever le chantier d’Abobo, où près de 7 km de canaux seront construits en vue de protéger près de 300 000 personnes contre les risques d’inondation. D’ici la fin de l’année 2023, les entreprises en charge des travaux de construction des ouvrages de drainage dans la commune de Cocody, notamment dans les talwegs de Bonoumin et de Synaccaci, seront recrutées afin de réaliser près de 10 km de canaux primaires et secondaires avec trois bassins de rétention des eaux pluviales. À terme, nous prévoyons protéger près d’un million de personnes contre les inondations à Abidjan et dans les villes de l’intérieur du pays.

Il faut noter que les infrastructures seront accompagnées de solutions basées sur la nature. Mais, si nous visons la durabilité, il faut agir sur le changement de comportements des populations. C’est d’ailleurs pourquoi le PARU ambitionne de mettre en place à Abidjan, avec les structures compétentes que sont la SODEXAM, l’ONPC et le district autonome d’Abidjan, un système d’alerte précoce qui sera étendu à l’intérieur du pays : il servira à donner l’information et à sensibiliser les populations sur les zones à risques. Le processus de sélection des cabinets devant élaborer tous ces outils est bien avancé.

Nous allons également intervenir à Attécoubé, où il y a une zone à risque sujette aux glissements de terrain. Il s’agira d’aménager les flancs de talus et d’installer au bénéfice des riverains des équipements socio-récréatifs qui les mettent à l’abri des glissements de terrain. Enfin, un plan de rénovation urbaine est prévu pour la berge d’Anoumabo. En somme, cela représente un investissement de près 188 milliards de FCFA d’une part pour la mise en œuvre des activités prévues, d’autre part pour réduire les risques d’inondation et de glissement de terrain, et enfin pour déployer, avec le secteur privé, des systèmes améliorés de gestion et de valorisation des déchets solides dans les villes cibles du PARU.

 

Propos recueillis par Édouard M’bouafouê