Kinapara Coulibaly, directeur général du Bureau National d’Études Techniques et de Développement (BNETD), détaille les causes de la dégradation rapide de certaines infrastructures routières et les actions nécessaires à leur durabilité. Le plan stratégique BNETD 3.5 qui couvre la période 2021-2024 œuvre en faveur de la qualité.
Au vu des résultats encourageants obtenus par le déploiement du plan stratégique du BNETD 3.0 durant la période 2016-2020, vous avez formulé un nouveau plan encore plus ambitieux pour 2021-2024. À un an de son terme, quel bilan tirez-vous de son opérationnalisation ?
Kinapara Coulibaly : Le BNETD accompagne le développement de la Côte d’Ivoire depuis quatre décennies et se distingue comme un acteur incontournable dans la conception, le suivi et la réalisation des grands projets de développement dans tous les secteurs. Avec l’expertise accumulée au cours des années et le large spectre de compétences qu’il réunit, nous nous engageons, à travers ce nouveau plan stratégique BNETD 3.5, dans l’action proactive en appréhendant et en anticipant les réponses idoines aux enjeux contemporains du développement dans les secteurs clés, en synergie avec la vision globale de l’État de Côte d’Ivoire et le Programme national de développement (PND) 2021-2025. À mi-parcours aujourd’hui, nous enregistrons déjà des résultats satisfaisants. Au plan interne, d’importants efforts ont été consacrés à la transformation, à l’optimisation et à la rationalisation de notre façon de créer ou d’améliorer nos prestations et nos outils de travail.
Tous ces changements s’accompagnent d’importants efforts en termes de conduite du changement pour que les transformations voulues soient une réussite.
Afin de se positionner comme l’un des acteurs qui façonne notre pays et l’Afrique de demain, outre notre assistance technique habituelle, le BNETD a entrepris de préparer un certain nombre d’études sur des projets structurants et novateurs.
Ces projets avancent très bien, en phase avec nos projections.
Certains sont arrivés à leur terme et ont été proposés au gouvernement ivoirien en vue de leur mise en œuvre.
À quelques mois de la CAN 2024, quel est l’état d’avancement des travaux d’infrastructures dont le BNETD assure la maîtrise d’œuvre ?
En ce qui concerne les infrastructures de la CAN 2024, les dispositions à notre niveau, en termes d’organisation, ont été prises pour que tout se passe bien. Ce projet est en pole position. Au niveau du secteur des bâtiments, c’est un projet qui requiert beaucoup d’attention de notre part et qui constitue une priorité au BNETD. Nos équipes sont mobilisées et nous faisons en sorte que tout se déroule correctement. D’ailleurs, nous sommes quasi prêts et toutes les infrastructures seront achevées fin juin 2023.
« Un acteur incontournable dans les grands projets de développement. »
Depuis 2003, le BNETD exporte son savoir-faire « Made in Côte d’Ivoire » dans la sous-région grâce aux antennes régionales dans 16 pays. Comment analysez-vous l’impact de votre présence en Afrique et quelles sont vos ambitions ?
Le BNETD poursuit sa stratégie de développement à l’international. Cette position est d’ailleurs affirmée par la mission inscrite dans notre plan stratégique en cours : « Façonner la Côte d’Ivoire et l’Afrique de demain ». La part de l’international reste encore, à ce jour, marginale dans notre chiffre d’affaires global, soit entre 2 et 5 %. Toutefois, nous sommes satisfaits de l’impact de notre action à travers l’Afrique. Nous sommes en ce moment actifs dans sept pays en Afrique de l’Ouest et centrale sur divers projets structurants en cours de réalisation dans différents secteurs : l’éducation, les transports, l’énergie, l’eau et le numérique. Nous avons lancé un programme de renforcement des équipes dans nos agences et cela commence déjà à porter ses fruits.
L'actualité de ces dernières années est marquée par la rapide détérioration des infrastructures routières. Quelles sont les explications du BNETD en sa qualité de contrôleur des chantiers ?
Il faut d’abord nuancer : non, toutes les infrastructures routières ne se dégradent pas rapidement, il y a encore de nombreux ouvrages routiers qui ont été construits et qui sont de bonne facture. Mais il y a aussi, hélas, de tristes constats concernant certaines infrastructures routières qui ont connu des dégradations rapides voire précoces. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de cette situation et nous pouvons citer les principaux. En premier lieu, l’agressivité du trafic sur les routes. Malgré la réglementation existante du contrôle des surcharges des véhicules poids lourds (PL), force est de constater qu’il existe une augmentation très forte des charges à l’essieu sur nos routes. Or l’on observe que lorsqu’un poids lourd est surchargé, la route est agressée. Cette situation conduit de facto à un problème de dimensionnement des structures de chaussée de la route. En effet, le trafic utilisé pour les études de dimensionnement est donc déjà dépassé avec la surcharge, et la route construite est menacée de détérioration précoce ou avancée. En second lieu, la nécessité de réaliser toujours des études approfondies avant les travaux, ce qui n’est pas toujours fait. En effet, l’on a parfois négligé la place importante de la conception, donc des études, dans la réalisation des projets. Il est vrai que l’élaboration des études nécessite une certaine durée, alors que tout le monde est pressé d’avoir une route. Si l’on investit suffisamment, et à l’avance, dans les études, alors on a déjà parcouru la moitié du chemin nécessaire à la construction d’une infrastructure durable. Troisième point, la qualité de mise en œuvre, qui constitue rien moins que l’autre moitié du chemin en matière de qualité, car le non-respect des procédures de mise en œuvre lors de l’exécution des travaux entraîne un grand risque de dégradation rapide des routes. C’est pour cela qu’il faut obligatoirement un bureau de contrôle compétent qui suive l’exécution des travaux. Le manque de rigueur du contrôle ou l’absence de mission de contrôle est fatal pour les infrastructures routières. Enfin, parmi les autres causes de dégradation rapide figurent la maintenance et l’entretien car, il faut le savoir, une route s’entretient. L’infrastructure routière a une durée de vie qui dépend des conditions de son entretien. Après les travaux, la maintenance des routes ne doit plus être négligée et abandonnée au risque de perdre le bénéfice de cette infrastructure et des investissements consentis.
L'effondrement récurrent des bâtiments est une préoccupation croissante qui pousse les populations à s'interroger sur la qualité des matériaux utilisés. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Les effondrements récurrents constatés au niveau des bâtiments sont dus, en grande partie, à des problèmes de dimensionnement des structures des bâtiments concernés. C’est pourquoi il est fait obligation à ceux qui désirent construire des bâtiments de plusieurs niveaux de s’entourer d’experts en bâtiment. Ces professionnels pourront les accompagner, les aider à mener à bien leurs projets : dimensionnement des structures, suivi et contrôle des travaux, etc. Cette exigence est normalement contrôlée et encadrée par le ministère ivoirien de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet