Le Dr Adama Coulibaly, directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde (CCA), présente les potentialités du secteur de l’anacarde et décline les priorités pour améliorer la compétitivité de ce produit phare ainsi que celle du coton en Côte d’Ivoire
En matière de production et de commercialisation de la noix de cajou brute, quel est le bilan de la filière anacarde en 2022 par rapport à 2021 ?
Dr Adama Coulibaly : Le bilan de la campagne 2022 a été positif, en dépit d’une conjoncture mondiale marquée par la crise post-Covid 19 et les conséquences de la crise Russie-Ukraine. Au terme de cette campagne, 1 028 172 tonnes de noix de cajou ont été enregistrées dans le circuit de commercialisation, pour une prévision de 1 040 000 tonnes. Cette production correspond à une hausse de 6 % par rapport aux 968 676 tonnes de 2021.
Cette hausse s’explique par les conditions climatiques favorables et par un prix bord champ relativement stable et rémunérateur : entre 305 FCFA/kg, minimum officiel annoncé, et 450 FCFA/kg, avec une moyenne de 353 FCFA/kg. Combinés à la hausse de la production, les prix bord champ ont permis une hausse de 7 % des revenus des producteurs, passant de 339 à 363 milliards FCFA de 2021 à 2022. Le succès de la campagne 2022 s’explique aussi par les efforts de lutte contre la fuite des produits au niveau des frontières terrestres. En ce qui concerne le commerce extérieur, la noix de cajou s’est négociée à des prix relativement inférieurs à ceux de 2021. Les prix CAF ont oscillé entre 975 USD et 1 300 USD/t, contre 1 200 et 1 350 USD/t en 2021. Au 31 décembre 2022, seulement 719 900 tonnes ont été exportées essentiellement vers le Vietnam et l’Inde, contre 805 748 tonnes en 2021.
« Le taux de transformation actuel est de 22 % de la production nationale. »
La Côte d’Ivoire ambitionne-t-elle toujours de transformer la moitié de sa production sur place d'ici à 2026, sachant que pour le moment seuls 10 % de la production sont transformés localement ?
Déjà, quand nous transformons 300 000 tonnes sur une production de 1 million de tonnes projeté en 2023, cela fait 30 %, donc bien plus de 10 %. De plus, quand on intègre tous les projets en cours de réalisation, que ce soit sur nos zones agro-industrielles dédiées ou en dehors, nous pouvons assurer que la capacité de transformation installée, actuellement d’environ 350 000 tonnes, va largement dépasser les 500 000 tonnes avant 2030, terme auquel nous ambitionnons d’atteindre les 50 %. Mais je précise que le taux de transformation actuel est de 22 % de la production nationale.
Quels sont les freins rencontrés par la filière anacarde pour enclencher véritablement le processus de transformation de la noix de cajou ?
La transformation de la noix de cajou connaît d’excellents résultats en Côte d’Ivoire. Nous sommes passés de 40 383 tonnes en 2016 alors que la production était de 650 000 tonnes, donc 6 %, à 224 000 en 2022 pour une production de 1 028 000 tonnes, ce qui représente 22 % ! Comme vous pouvez le constater, le taux de transformation a bien évolué en passant de 6 % à 22 %. En fait, la croissance rapide de la production masque un légèrement les progrès dans la transformation. De 2016 à 2022, le volume transformé localement a été multiplié par plus de 5. Actuellement, nous avons un environnement favorable à la transformation locale, qu’il s’agisse des mesures fiscales et financières ou des infrastructures : le CITA, les zones agro-industrielles, le centre de valorisation des coques, la plate-forme logistique… Tous ces appuis ont fait de notre pays l’un des endroits où la croissance de la transformation est la plus rapide. Il y a actuellement à peu près une dizaine de projets en cours de réalisation, représentant environ 150 000 tonnes. Et d’autres projets se préparent. Plusieurs investisseurs regardent déjà vers la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que nous pouvons affirmer que transformer 500 000 tonnes en Côte d’Ivoire en 2030, c’est tout à fait faisable.
Quel bilan pouvez-vous dresser de la 4e édition du Salon international des équipements et des technologies de transformation de l’anacarde (SIETTA) qui s’est tenue en 2023, après la pandémie de Covid, sur le thème « Contribution de l’industrie du cajou à la résilience des économies africaines face aux défis économiques mondiaux » ?
Pour une édition de reprise post-Covid, le SIETTA 2023 nous a donné pleinement satisfaction. Cette satisfaction se justifie d’abord par la mobilisation : plus de 13 000 visiteurs sur les 3 jours de l’événement. Ensuite, par le nombre et la qualité des expositions, avec 82 stands : 34 animés par des fournisseurs de produits et services, 35 par des produits dérivés et 11 par des institutions nationales et internationales. Au niveau des équipementiers, le SIETTA a enregistré un record avec 22 équipementiers, 11 nationaux et 11 internationaux, qui ont présenté des technologies sur toute la chaîne de transformation, de la préparation des noix à l’emballage des amandes. Huit chaînes complètes ont été exposées avec, pour la première fois, une chaîne entière made in Côte d’Ivoire produite par la plate-forme des équipements locaux. La diversité et la qualité des produits dérivés du cajou présentés par la trentaine de promoteurs a aussi été un point extrêmement positif de ce SIETTA. Enfin, la mobilisation dans les salles des panels et des sessions parallèles constitue un autre élément de satisfaction pour cette édition. En somme, le SIETTA 2023 a révélé que le monde du cajou attendait le retour de cet événement.
Le Conseil des ministres du Conseil international consultatif du cajou (CICC) s’est tenu en marge du SIETTA. Quelles décisions majeures ont été adoptées à lors de cette rencontre ?
Pour ce qui concerne le Conseil des ministres du CICC, il faut noter que, hormis le Mozambique, tous les pays membres on été représentés à cette 4e session qui s’est tenue dans un hôtel en marge du SIETTA 2023. On peut retenir l’adoption du plan stratégique du CICC sur la période 2023-2027 par le Conseil des ministres que présidera jusqu’à la prochaine session, prévue au Ghana, le ministre d’État, ministre de l’Agriculture et du Développement rural de Côte d’Ivoire, Monsieur Kobenan Kouassi Adjoumani, qui prend le relais de son homologue camerounais.
Quelles sont vos priorités pour le coton et pour l’anacarde en 2023 ?
Pour le Coton, il s’agira de consolider les acquis du zonage, qui permet un meilleur suivi des producteurs et une optimisation des rendements, de poursuivre la modernisation des pratiques culturales en vue d’augmenter la productivité, de promouvoir la qualité des produits et de l’image du coton ivoirien sur le marché international, et enfin d’appuyer la transformation locale de la fibre et de la graine de coton.
En ce qui concerne l’anacarde, il s’agira principalement d’opérationnaliser les zones agro-industrielles de Korhogo, Bondoukou et Séguéla, d’installer un hub logistique au cœur de la zone industrielle de Yamoussoukro, d’édifier et de mettre en service un centre moderne de valorisation des coques dans la zone industrielle de Yamoussoukro, et enfin de renforcer la maîtrise des frontières terrestres, c’est-à-dire la lutte contre les exportations frauduleuses, une mesure importante qui devrait créer les conditions de respect des prix de la Côte d’Ivoire.
Propos recueillis par François Bécanthy