Sarrahn Ouattara, directrice générale de l’Agence nationale de gestion des déchets (ANAGED), passe en revue les nombreuses réalisations qui ont émaillé les cinq années d’existence de l’entreprise et constate des progrès manifestes en termes de salubrité publique.
Depuis plus de cinq ans, l’ANAGED gère la filière des déchets. Quel bilan pouvez-vous dresser ?
Sarrahn Ouattara : La création de l'ANAGED, qui résulte de la fusion de l'Agence nationale de la salubrité urbaine et du Fonds de financement des programmes de salubrité urbaine, a été une étape importante dans la gestion optimale de la filière des déchets en Côte d'Ivoire. Cette nouvelle politique s'inscrit dans une volonté de se conformer aux normes internationales en matière de gestion des déchets.
Au cours des cinq dernières années, l'ANAGED a réalisé de nombreuses actions significatives. Un appel d'offres international a d’abord été lancé afin de sélectionner des entreprises spécialisées en collecte et transport de déchets ainsi que pour le nettoyage des rues du district autonome d'Abidjan, qui a été divisé en trois secteurs : le secteur 1 a été attribué à l'opérateur ECOTI-SA, une entreprise ivoiro-tunisienne, tandis que les secteurs 2 et 3 ont été confiés au groupe MOTA-ENGIL, et plus précisément à sa filiale ECO-EBURNIE.
Dans le cadre de la gestion des déchets, les investissements consentis pour la construction d'infrastructures modernes ont marqué un tournant décisif. En effet, 5 centres de transfert (CT) ont été construits et sont opérationnels. Le CT d'Anguédédou 1 à Yopougon, le CT de Namoué à Bingerville et le CT d'Adjamé sont placés sous le contrôle d’ECOTI-SA, et les CT d'Anguédédou 2 à Yopougon et de Benogosso à Port-Bouët sont placés sous le contrôle d’ECO-EBURNIE. Le centre de valorisation et d’enfouissement technique (CVET) de Kossihouen, en service depuis la fermeture de la décharge sauvage d'Akouedo, est exploité par l’entreprise ivoiro-portugaise Clean Eburnie.
De 2019 à 2022, la quantité totale de déchets solides ménagers et assimilés (DSMA) enfouie au CVET a été de 5 629 368,56 tonnes, ce qui correspond à un taux de réalisation de 83,5 %. La quantité de DSMA collectée et éliminée n’a cessé de croître de 2014 à 2022, mais l’arrivée des nouveaux opérateurs a boosté la collecte des déchets. Hormis la période de transition de 2018, la quantité moyenne de DSMA collectée par jour, estimée à 2 854,3 tonnes de 2014 à 2017, est passée à 3 855,7 tonnes, soit une évolution moyenne journalière de + 35,1 %.
Le pic d’évolution annuelle a d’ailleurs été atteint en 2019, au début du plein exercice des nouveaux opérateurs.
Parallèlement ont été installés plus de 510 postes de groupage, 626 coffres à ordures, 2 092 bacs et 6 000 corbeilles de rues. Ces équipements sont essentiels pour faciliter la collecte des déchets de manière efficace et ordonnée. Enfin, pour assurer la collecte porte à porte et le transport des déchets vers les infrastructures mentionnées, nous avons mobilisé un total de 348 engins. L'ANAGED a également renforcé la coopération internationale et les partenariats avec d'autres acteurs du secteur des déchets, ce qui lui a permis de bénéficier de leur expertise ainsi que d'un soutien technique, financier et logistique pour mettre en œuvre des projets et des initiatives innovantes.
En conclusion, je peux dire que la politique de l'ANAGED est conforme aux normes internationales en matière de gestion des déchets, et que le bilan des cinq dernières années est prometteur. Les actions entreprises se traduisent par une nette amélioration du cadre de vie des populations aussi bien dans le district autonome d'Abidjan que dans d'autres villes grâce à des mesures concrètes visant à optimiser la collecte, le traitement et la valorisation des déchets.
« Optimiser la collecte, le traitement et la valorisation des déchets a nettement amélioré le cadre de vie des Ivoiriens. »
Justement, comment les actions de l’ANAGED se traduisent-elles dans l’amélioration du cadre de vie ?
Toutes les initiatives que je viens d’évoquer démontrent notre engagement à assurer une gestion responsable des déchets et notre volonté d’ériger des infrastructures modernes afin de favoriser une meilleure qualité de vie pour les Ivoiriens. De plus, des initiatives de sensibilisation, de renforcement des capacités et de promotion des bonnes pratiques ont été déployées pour impliquer les acteurs locaux dans notre stratégie de propreté des cités. Ces actions ont eu un impact concret sur l'amélioration du cadre de vie des populations. La présence de déchets dans les rues a considérablement diminué, l'hygiène et la salubrité publiques se sont améliorées, et les risques sanitaires liés à une mauvaise gestion des déchets ont été réduits.
Dès la création de l’ANAGED, vous avez aussitôt renforcé sa politique de proximité en ouvrant des représentations régionales. Où en êtes-vous sur le maillage du territoire, et avec quels effectifs ?
Conformément au découpage administratif organisant les 14 districts, 14 délégations régionales ont été créées : 11 sont opérationnelles et 3 en instance d’ouverture. Ces services déconcentrés de l’ANAGED exercent les missions de l’Agence, à la fois pour les opérations et la sensibilisation. La création de délégations départementales est aussi prévue pour plus d’efficacité. Des recrutements ont été effectués ces deux dernières années pour couvrir les besoins liés à l’ouverture des nouvelles délégations. Ainsi, l’effectif est composé à la fois d’anciens et nouveaux collaborateurs, avec une prédominance des agents anciens.
Avant la réforme ayant créé l’ANAGED, le manque de financement avait souvent été un frein. Aujourd’hui, estimez-vous avoir le budget nécessaire pour mener à bien la nouvelle politique de gestion des déchets ?
D’importants efforts sont consentis chaque année par l’État de Côte d’Ivoire à l’effet d’accroître le niveau de financement de la filière. Malheureusement, les besoins sans cesse croissants liés à une démographie galopante impactent considérablement la prise en charge financière au regard des enveloppes allouées chaque année. Par conséquent, les crédits budgétaires déterminés par le niveau de recouvrement des recettes fiscales qui constituent la plus grande partie des ressources de l’Agence s’avèrent insuffisants ,et cela nécessite la mise en œuvre de mécanismes en fin d’exercice pour la couverture des déficits générés.
Pour les cinq ans à venir, quelles sont vos priorités ?
En termes de perspectives, l’ANAGED, en sa qualité d’agence opérationnelle, compte pour les cinq prochaines années assurer la couverture nationale en matière de gestion des déchets avec l’ouverture de délégations régionales et la construction d’infrastructures modernes de gestion rationnelle des déchets dans les villes de Côte d’Ivoire. Nous envisageons de mettre en place des filières viables de valorisation des déchets et de promouvoir l'économie circulaire qu’elle implique. Nous comptons aussi procéder à la digitalisation de l'ensemble de nos processus pour une meilleure efficacité du système, et nous allons veiller à la conformité de la gestion des déchets solides aux normes applicables en la matière et relevant des compétences de l’ANAGED. Enfin, il nous faut renforcer la sensibilisation grâce à un vaste programme de communication de proximité pour améliorer l’état de salubrité des villes et permettre aux Ivoiriens de vivre dans un environnement sain.
Propos recueillis par Andju Ani