Le Sénégal exploitera bientôt d’importants gisements de pétrole et de gaz. Bien que les autorités fassent passer la distribution aux populations avant l’exportation, il faudra encore patienter pour ressentir les retombées économiques.
Le samedi 25 novembre 2023, le ministre du Pétrole et des Énergies Antoine Diome indique devant les députés que l’exploitation de pétrole et de gaz est repoussée. Une chose est sûre : Macky Sall n’assistera pas au début de l’exploitation en tant que président de la République, ce qui modifie les perspectives, même si Antoine Diome assure que « les intérêts du Sénégal sont préservés, étant entendu que, selon les projets, l’État aura entre 52 et 64 % du bénéfice généré ».
Pour le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), les travaux sont, selon lui, réalisés à 89,8 %, mais le démarrage de la production de gaz naturel, prévu pour fin 2023, se fera en 2024. Ce gisement fait espérer une production de 2,5 millions de tonnes/an dans sa phase 1, et une capacité de plus de 10 millions t/an à compter de 2026 avec les phases 2 et 3. Quant aux activités de développement du gisement pétrolifère offshore Sangomar, découvert en 2014, elles ont bien progressé avec les opérations de forage de 24 puits, dont une quinzaine finalisée. Ses réserves sont estimées à plus de 2,5 milliards de barils de pétrole brut pour une production de 100 000 à 120 000 barils/jour.
Les projections de départ faisaient miroiter pour les deux gisements un gain de 560 milliards de FCFA/an pendant 30 ans. Une manne propre à rééquilibrer le budget national et à impulser une transformation structurelle de l’économie grâce à la diversification des exportations et aux nouveaux mécanismes de financement liés aux rentrées de devises étrangères. Antoine Diome a également assuré que la construction de l’unité flottante de production et de stockage (FPSO) baptisée Léopold Sédar Senghor était en cours de finalisation, et que les installations de structures sous-marines se poursuivaient. À fin août 2023, le taux d’exécution de l’ensemble était autour de 90 %. La mise en production du champ, initialement envisagée pour fin 2023, est décalée au second trimestre 2024.
Une contribution au PIB du Sénégal de 6 à 7 % sur 20 ans
Sur l'un des gisements gaziers les plus importants du Sénégal, Yakaar-Teranga, des désaccords ont entraîné le départ de la multinationale BP. Le gouvernement s’est montré ferme en privilégiant l’intérêt national à la recherche de profit : il veut d’abord utiliser le gaz pour la consommation domestique et industrielle, et avoir un impact sur des intrants comme l’électricité en baissant les coûts de production. Avec l’Américain Kosmos comme nouvel opérateur, Petrosen, entreprise d’État, se repositionne à hauteur de 35 % dans les parts détenues, ce qui va donner au Sénégal un meilleur contrôle sur ses ressources.
Les lignes ont donc assez fortement bougé, et la remise en cause des projections de départ a des conséquences sur les prévisions. Sur la base d’un démarrage en 2023, le FMI prévoyait une contribution au PIB de 6 à 7 % sur 20 ans pouvant financer le développement national et éviter le « syndrome hollandais », cet effet pervers sur une économie de la dépendance à une rente. Le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2024-2026 indique pour sa part 753,6 milliards de FCFA de recettes.
À l’heure actuelle, un dispositif d’information répond à l’exigence de transparence voulue par l’adhésion du Sénégal à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Ainsi, précise le ministère, « tous les contrats signés par le Sénégal sont en ligne et peuvent être consultés par ceux qui le désirent. Ces contrats assurent à notre pays des parts comprises entre 50 et 64 % des bénéfices qui seront réalisés dans le cadre des projets en cours. »
En attendant le début de l’exploitation du gisement GTA, le Sénégal s’est ouvert les portes du gotha pétrolier et gazier, devenant le 20e membre du Gas Exporting Countries Forum (GECF). Cette adhésion renforce son poids géopolitique à côté de géants comme le Qatar, l’Iran et la Russie. Enfin, deux lois portant création du Fonds d’investissement souverain pour les générations futures ont été promulguées pour que le Sénégal puisse capter une partie des ressources pétrolières et gazières, les réserver et en bloquer une part pour l’avenir. Un dispositif salué par beaucoup de spécialistes.
Boubacar Gassama