Politique intérieure - Quel bilan à mi-mandat pour le président Alassane Ouattara ?

Le troisième mandat de 5 ans du président Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire a débuté en 2020. Examinons ses réalisations en matière de réconciliation nationale, de création d’emplois et de bonne gouvernance.

Élu en 2010, réélu en 2015, le chef de l’État Alassane Ouattara, communément appelé ADO, a brigué un troisième mandat en 2020, à 78 ans, alors qu’il avait pourtant maintes fois répété qu’il ne se représenterait pas et passerait le relais à son dauphin et Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, hélas victime d’un infarctus le 8 juillet 2020 en plein Conseil des ministres. Un drame qui a contraint le président Ouattara à revoir ses plans et à annoncer dès le 6 août qu’il briguait finalement un troisième mandat, ce qui a provoqué des manifestations suivies, durant trois jours, de violences telles que, selon un bilan officiel, elles ont fait six morts, une centaine de blessés et 1 500 déplacés. Soixante-neuf personnes ont été interpellées.

 

Les autorités restituent 47 dépouilles aux familles

 

Eu égard à ces affrontements entre partisans et opposants du président sortant, l’on comprend que l’un de ses premiers chantiers majeurs au lendemain de sa réélection avec un score fleuve de 94,27 % au premier tour (l’opposition avait boycotté le scrutin) ait été celui de la réconciliation nationale, à laquelle un nouveau ministère a été dédié le 15 décembre 2020.

En outre, le processus de dédommagement engagé vis-à-vis des 4 410 personnes victimes de la crise post-électorale leur permis de recevoir 1 million de FCFA, soit environ 1 500 €.

Mais l’une des mesures importantes visant à apaiser les esprits a été la grâce présidentielle accordée par le président Ouattara à son prédécesseur et ancien rival Laurent Gbagbo, qui était sous le coup d'une peine de 20 ans de prison. Cette grâce, annoncée à l'occasion du 62e anniversaire de l'indépendance de la Côte d’Ivoire, a été assortie de l’autorisation donnée à Laurent Gbagbo d’y revenir. Acquitté en mars 2021 par la Cour pénale internationale de la Haye, aux Pays-Bas, où il avait été transféré fin 2011 pour des faits présumés de crimes contre l'humanité, Laurent Gbagbo est rentré dans son pays le 17 juin 2021. Le chef de l'État ivoirien a également souhaité « qu'il soit procédé au dégel de ses comptes et au paiement de ses arriérés de rentes viagères ».

Enfin est intervenu un autre geste d’apaisement, certes bien tardif mais toujours jugé important douze ans après les exactions commises en mars 2011 dans l’ouest du pays : le 8 mars dernier, 47 dépouilles ont été restituées aux familles par les autorités. Ces corps avaient été retenus à Abidjan dans le cadre des enquêtes sur les affrontements entre partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo et ceux d’Alassane Ouattara à la suite de la présidentielle contestée de fin 2010 ayant généré des heurts particulièrement intenses. Cet engagement, pris depuis le mois d’avril 2011 par Alassane Ouattara, n’avait pas encore été concrétisé.

 

Un vaste plan en faveur des jeunes

 

Le 25 avril dernier à Abidjan, à un peu plus de quatre mois des élections municipales et régionales de septembre, le président Alassane Ouattara est venu présenter aux sénateurs et députés réunis au Parlement les réussites de son gouvernement dirigé par Patrick Achi.

Parmi les réussites évoquées par le président Ouattara figurent la libération de 49 soldats ivoiriens détenus durant près de six mois au Mali, le rapatriement des Ivoiriens fuyant la vague de racisme que connaît actuellement la Tunisie, mais aussi la forte croissance du PIB de Côte d’Ivoire, soit 6,7 % en 2022 et une estimation 7,2 % par le FMI pour 2023, ou encore les progrès en termes de sécurité alimentaire, d’électrification et d’infrastructures.

S’agissant des projets, Alassane Ouattara, qui a décrété l’année 2023 comme étant celle de la jeunesse, a annoncé un investissement de 365 milliards de FCFA (556,4 millions d’euros) dans un vaste plan en deux ans, promettant de débourser l’équivalent de 1 milliard de FCFA par jour pour l’emploi et la réinsertion professionnelle de 1,5 million de jeunes. En outre, le gouvernement ivoirien a pour ambition de créer au moins 3,5 millions d’emplois à l’horizon 2025 et de réduire substantiellement le sous-emploi et la précarité des jeunes.

Enfin, à l’issue de son discours, il a proposé deux révisions constitutionnelles en invoquant « un souci d’efficacité ». La première est destinée à faire coïncider en août les vacances parlementaires avec celles du gouvernement, et la seconde consiste à organiser désormais les élections législatives et sénatoriales juste après le scrutin présidentiel.

 

Lutte contre la corruption : la Côte d’Ivoire gagne 6 places

 

En matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, la Côte d’Ivoire a gagné six places dans le dernier rapport de l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2022 de l’ONG Transparency International paru le 31 janvier dernier : elle passe du 105e rang en 2021 au 99e en 2022. Il faut dire qu’en 2021 ont été créés le ministère de la Promotion de la bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption ainsi que la Haute Autorité pour la bonne gouvernance. Par ailleurs, le président ivoirien a participé par visioconférence au Sommet sur la démocratie organisé par les États-Unis, y réaffirmant son engagement personnel et celui de son pays en faveur du respect des droits de l’homme et de l’État de droit. Un engagement qui selon lui se traduit par les prises de position sans ambiguïté de son pays dans les instances internationales et lors des votes aux Nations unies ainsi que par d’importantes réformes réalisées en Côte d’Ivoire ayant conduit à de réels progrès en matière de contrôle de la corruption, de droits politiques et d’opportunités d’emploi dans le cadre du Millenium Challenge Corporation (MCC).

La promotion de la liberté et de l’indépendance de la presse et des médias ainsi que la lutte contre la corruption s’inscrivent d’ailleurs dans ce cadre. Le président Ouattara a aussi relevé les progrès accomplis relativement au renforcement de la démocratie et de la promotion du genre, notamment l’organisation des premières élections législatives inclusives qui ont abouti à la mise en place d’un Parlement où tous les partis politiques significatifs sont représentés ainsi qu’à une loi favorisant la représentation des femmes à 30 % au moins dans les assemblées élues.

 

Paul de Manfred